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Non-élémentalisme
"La totalité est plus que la somme des parties."
— Aristote, Métaphysique, 10f-1045a

Pendant des siècles, il a été considéré comme évident que l''espace', le 'temps' et la 'matière' avaient une existence objective. Jusqu'au 19ème siècle, les physiciens essayaient de se raccrocher à ces 'idées', bien que s'accumulaient les expériences qui les infirmaient.

Puis, Einstein brisa le tabou en établissant l'équivalence 'matière'-énergie, avec sa célèbre formule E=mc2. Continuant sur sa lancée, il fit disparaître 'espace' et 'temps' au profit d'une combinaison des deux, plus en accord avec les résulats d'expériences de cette époque (1905-1920).

Korzybski fut fortement influencé par les considérables progrès de la physique à cette époque. Il comprit que cette révolution était due à un profond changement de prémisses et de méthodologie.

Un des enseignements importants de ces nouvelles formulations est qu'il est pour le moins risqué de séparer verbalement ce qui ne peut pas être séparé empiriquement. Il paraît difficile de montrer de l''espace', du 'temps' ou de la 'matière', sans montrer les deux autres éléments ensemble.

Korzybski baptisa "élémentalistes" (el) ces mots qui découpent ce qui ne peut pas être découpé empiriquement. A l'inverse, il baptisa "non-élémentalistes" (non-el) ceux qui rétablissaient l'union défaite auparavant, aux niveaux verbaux. Ainsi "espace-temps", "psycho-somatique", "évaluation", "réaction sémantique", etc., sont non-el, alors que "espace", "temps", "corps", "esprit", "sentiment", "raisonnement", "émotion", "logique", etc., sont el.

Les principaux outils de la sémantique générale permettant de traiter ce problème sont le trait d'union et les guillemets simples.

 Erreurs typiques sur le non-élémentalisme 

Une des pires bourdes à faire sur le non-élémentalisme est de lui appliquer la toutité: le fait que certains problèmes tels que corps-esprit ne peuvent être traités par des moyens élémentalistes ne signifie pas que toutes les séparations nettes doivent être brouillées ou qu'aucun des différents aspects ne soit légitime. Le problème de l'élémentalisme est analogue à une pièce de monnaie: tout le monde peut voir que la pièce à deux côtés, nommés "pile" et "face". Il est parfaitement légitime de parler de "pile ou face" si vous voulez lancer la pièce pour prendre, par exemple, une décision difficile. Cela devient quelque peu illégitime si quelqu'un vous demande "donnez-moi le côté pile, mais sans le côté face."

"Organisme-comme-un-tout" est une formulation qui n'exclut pas de considérer des parties du corps spécialisées, comme le foie ou les reins, séparément de 'l'esprit', ni de considérer les 'émotions' séparément de la 'pensée,' comme aspects d'un tout. Mais néanmoins, l'influence de 'l'esprit' sur la santé, démontré dans de nombreuses expériences scientifiques (effet placebo, par exemple), ne peuvent être comprises par l'ancien élémentalisme religieux (i.e. 'corps'+'esprit'), exigeant des formulations non-el.

L'analyse, casser un 'grand' problème en morceaux suffisamment petits pour pouvoir les traiter, largement utilisée en mathematiques et puissant outil pour résoudre les problèmes de la vie courante, n'a bien sûr rien à voir avec l'élémentalisme. Par exemple, il n'est pas possible d'analyser l'effet placebo en étudiant ses effets sur 'l'esprit' et ses effets sur 'le corps'. Par contre il est très possible de l'analyser en étudiant le 'corps-esprit'.

L'élémentalisme n'est pas 'mauvais' en soi, de même que le système aristotelicien, les lois de Newton, la géométrie euclidienne ou un fusil ne sont 'mauvais'. Ce qui est 'mauvais' c'est de les utiliser lorsqu'ils ne sont pas appropriés pour résoudre un problème.


© ESGS, 2002.