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Le processus d'abstraction
"Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons rose,
Par n'importe quel autre nom sentirait aussi bon."
— William Shakespeare, Roméo et Juliette, Acte II Scène 2.

"Ce que nous savons sans inférer est mental."
— Bertrand Russell, Human Knowledge: Its Scope and Limits, p. 224, Simon and Schuster (1948).

"Mais la condamnation des abstractions est la condamnation de la pensée elle-même. Tout ce que la pensée est capable de concevoir ne sera jamais autre chose qu'une abstraction, qui ne peut exister en isolation. tout ce que l'on peut mentionner est une abstraction sauf le concret universel; et le concret universel est un mythe."
— C. I. Lewis, Mind and the World Order, pp. 54-55, Dover (1956).

"The concept, so defined, is precisely that abstraction which it is necessary to make if we are to discover the basis of our common understanding of that reality which we all know. On a day which is terribly long to me and abominably short to you, we meet, by agreement, at three o'clock, and thus demonstrate that we have a world in common."
— C. I. Lewis, Mind and the World Order, pp. 80, Dover (1956).

"A more problematic example is the parallel between the increasingly abstract and insubstantial picture of the physical universe which modern physics has given us and the popularity of abstract and non-representational forms of art and poetry. In each case the representation of reality is increasingly removed from the picture which is immediately presented to us by our senses."
— Harvey Brooks, in Daedalus (Winter 1965). Scientific Concepts and Cultural Change, Science and Culture, ed. Gerald Holton, Beacon (1967).


Le mécanisme de l'abstraction a été décrit par Korzybski dans un diagramme appellé le "Différentiel Structurel".

Il permet notamment de visualiser le processus et de différencier les niveaux silencieux des niveaux verbaux.

Cette différentiation est fondamentale en sémantique générale:

"Nous utilisons un seul terme, par exemple 'pomme', pour au moins quatre entités différentes; à savoir, (1) l'événement, ou objet scientifique, ou processus physico-chimique sub-microscopique, (2) l'objet ordinaire produit par nos centres nerveux inférieurs à partir de l'événement, (3) l'image psycho-logique probablement produite par nos centres nerveux supérieurs, et (4) la définition verbale de ce terme." Alfred Korzybski, Science et Sanité (p. 384)
Ceci décrit les premiers niveaux du processus. A partir de là, il nous est possible de continuer le processus verbal à l'infini. Par exemple, à partir de 'pomme', nous pouvons produire 'fruit', puis 'nourriture', etc. Cette possibilité nous distingue nettement des animaux.

A chacune des étapes du processus,

L'ordre naturel d'évaluation (de l'événement à l'objet, de l'objet aux descriptions, des descriptions aux inférences, etc.) est souvent inversé du fait de notre éducation aristotélicienne. Il faut alors le rétablir, ce qu'il est possible d'obtenir en utilisant les outils de la sémantique générale.

Cette pratique conduit à la conscience d'abstraire et nous permet d'éliminer les effets nocifs de l'identification sur nous-mêmes.

 Erreur typiques sur le processus d'abstraction 

Pour les étudiants commençant la sémantique générale, il est habituel de confondre "abstraire" avec "laisser de coté des caractéristiques." "Abstraire" en sémantique générale inclut également "ajouter des caractéristiques sans correspondance aux niveaux précédents." Cet ajout de caractéristiques peut être dû à des préjugés ou un parti-pris, mais peut aussi être 'physiquement' enraciné dans la structure de notre cerveau, par nécessité génétique ou éducative. La perspective à l'occidentale, par exemple, est une habitude acquise par des gens vivant dans des maisons avec des pièces et des fenêtres rectangulaires. Il n'est ni 'bon' ni 'mauvais' d'utiliser la perspective occidentale, simplement utile dans certains cas et inutile ou dangereux dans un faible nombre d'autres.

Une autre erreur est de considérer qu'abstraire aux niveaux supérieurs est 'mauvais' (resp. 'bon') alors que les niveaux inférieurs sont 'bons' (resp. 'mauvais'). Il n'y a pas de jugement moral rattaché au niveau auquel une personne abstrait. Par exemple, la science d'aujourd'hui represente nos plus hauts niveaux d'abstraction. L'erreur a été faite par l'un des premiers vulgarisateurs des travaux de Korzybski, Stuart Chase, dans son livre La Tyrannie des Mots. Une façon d'abstraire à des niveaux élevés est d'utiliser des catégories. Ca n'a rien de problématique. Nous utilisons des catégories de façon courante en sciences et en sémantique générale, et en construisons de nouvelles lorsque c'est utile. Les langages modernes ont habituellement des moyens simple de le faire. Le danger de ces mots ne réside pas dans le fait qu'il représentent des catégories mais dans la confusion entre la catégorie et l'objet réel qu'elle représente, c'est-à-dire dans la confusion des niveaux d'abstractions (identification).

Enfin, une erreur que font souvent les débutants en sémantique générale est de croire que les animaux (autres que l'Homme) ne peuvent pas du tout abstraire à des niveaux supérieurs. Nous savons tous comme certains animaux peuvent être malins et il n'y a pas de doute que, pour se comporter comme ils le font, ils doivent utiliser des abstractions d'un certain niveau. Mais ce que nous savons est que ce processus d'abstraction s'arrête quelque part, alors qu'un homme peut potentiellement continuer ce processus d'abstraction indéfiniment, s'arrêtant lorsqu'il le souhaite. Et surtout, un homme peut être conscient d'abstraire.


© ESGS, 2002.