R-Evolution


Steven Lewis
(version originale)

Copyright © 1996 Steven Lewis. L'auteur donne ici permission d'utiliser cet article sous forme électronique seulement, en partie ou en totalié, à toute personne ou institution pour des motifs éducatifs, tant qu'aucun payement n'est perçu en retour.

Quand vous direz vos prières ce soir, remerciez le ciel de ne pas être un professeur de biologie. Ma profession a récemment subi des assauts croissants, qui ont laissé nombre d'entre nous tremblants dans leurs bottes. Par exemple, j'enseigne dans un groupe de lycées qui possède 3 campus principaux dans le secteur de Kansas City. Mon campus est le dernier à faire de la dissection d'animaux. Les autres ont abandonné de peur de mécontenter les ligues de protection animales.

Nous avons plusieurs foetus humain conservés en bocal, dans mon service. Ils sont là depuis 20 ans environ, mais aucun professeur n'a récemment osé les montrer aux étudiants en classe, de peur que quelqu'un s'en offusque et nous envoie les fanatiques du 'Droit à la Vie'. Tandis que les foetus prenaient la poussière dans un placard, nous debattions de la conduite à tenir.

Bien sûr, j'ai suggéré que nous les escamotions un à un sous notre manteau, jusqu'à ce qu'il aient tous disparu. Des idées moins sinistres ont néanmoins prévalu et un collègue fut nommé pour appeler plusieurs écoles afin de trouver quelqu'un qui voudrait bien accepter les foetus. Nous avons poussé un soupir de soulagement à l'unisson.

Maintenant, la législature du Tennessee étudie une loi qui permettrait de renvoyer les professeurs qui présenteraient l'évolution comme un "fait" plutôt qu'une "théorie". Croyez-vous que la législature a pris un soudain intérêt à la sémantique générale ou plutôt que les fondamentalistes Chrétiens relèvent leur antique tête?

Partout en Amérique, les professeurs de biologie font l'impasse sur l'enseignement de l'évolution de peur que quelque parent d'élève ne s'en offusque et, plus grave, ne s'attaque aux directeurs de l'établissement. Heureusement, les services de biologie des lycées sont mieux isolés des pressions politiques, mais j'ai quand même ressenti les pointes des flêches des fondamentalistes Chrétiens lorsque j'ai enseigné l'évolution dans mes classes.

Il arrive fréquemment que certains élèves refusent d'assister au cours sur ce sujet, parce qu'ils ne sont pas d'accord. Il y a quelques années, un interprète qui traduisait en langue des signes pour un élève sourd refusa de 'signer' pendant le cours sur l'évolution.

Un grand lycée de mon secteur a réagi à cette tension en supprimant purement et simplement le chapitre sur l'évolution de leur cours de biologie. Heureusement, mon campus ne s'est pas encore plié à la volonté populaire. Mais je considère avec appréhension l'arrivée du sujet de l'évolution en classe de biologie générale. Je dis clairement aux étudiants, dès le début, que je ne suis pas là pour leur dire quoi croire; je suis là pour les aider à comprendre. Je les évaluerai sur leur compréhension et non sur leurs croyances.

Après cette introduction, j'aborde l'enseignement de l'évolution avec un style qui fait lever les sourcils de bon nombre de mes collègues. Plutôt que d'exposer simplement la théorie de l'évolution, je la compare avec les théories équivalentes de la Genèse. Après tout, la plupart de ceux qui objectent à l'évolution le font de par leurs croyances fondamentalistes. La seule méthode raisonnable pour comprendre le progrès qu'apporte la théorie de l'évolution est de la comparer aux théories qu'elle remplace. Ainsi, nous pouvons constater quel point de vue est plus similaire, en structure, aux faits.

Je fais remarquer à mes élèves qu'il y a deux récits différents de l'origine et du développement de la vie, dans la Genèse:

Chapitre 1 de l'histoire de la création:

Chapitre 2 de l'histoire de la création:

Beaucoup de mes étudiants sont surpris d'apprendre qu'hommes et femmes ont le même nombre de côtes! Puis, je fais remarquer que non seulement ces deux récits de la Genèse se contredisent l'un l'autre en termes de succession des événements, mais qu'ils contredisent l'ordre de succession des groupes principaux, tel qu'il nous est donné par la fossilisation.

L'ordre naturel du développement de la vie sur Terre, selon la fossilisation:

Je montre comment la théorie de l'évolution peut être contredite. Par exemple, la découverte de restes humains dans une couche rocheuse qui ne devrait contenir que des organismes unicellulaires démentirait formellement la théorie. Ceci pourrait arriver, mais ce n'est pas encore le cas. Je demande alors à mes étudiants ce qui pourrait contredire les récits de la Genèse.

Je compare l'attitude des biologistes envers Darwin avec l'attitude des fondamentalistes envers leur Bible. Bien que Darwin est certainement le plus vénéré des biologistes, ses vues ont été néanmoins mises à l'épreuve de manière répétée et, en de nombreuses occasions, elles ont été rejetées, lorsqu'elles ont échoué. Par exemple, Darwin croyait (comme Lamarck) en la transmission des caractères acquis. Weismann a coupé la queue de rats nouveau-nés pendant 20 générations mais n'a constaté aucun effet sur la longueur de la queue transmise. A la suite de quoi, cette notion Darwinienne fut rapidement rejetée.

Je parle aussi des différences entre les faits et les théories ... différences dans les ordres d'abstraction. Je fais remarquer que les théories ... les inférences ... peuvent être très fiables si elles sont basées sur des faits variés. Si vous rentrez chez vous et trouvez la porte fracturée, votre maison mise sens dessus-dessous et votre TV disparue, sans preuve du contraire, vous pouvez en déduire avec un grande certitude qu'un farfadet a volé votre télévision. Etre une théorie ne signifie pas que vos structures verbales n'ont pas de base factuelle; cela signifie qu'elles réorganisent un jeu de faits et d'inférences à partir de ces faits.

Je continue cette approche risquée de l'enseignement de l'évolution car j'ai reçu de nombreux retours positifs d'étudiants qui m'ont dit que ça les avait aidés à se libérer des chaînes des anciennes croyances. Bien entendu, je continue de payer mon assurance au cas où un étudiant fanatique voudrait me libérer des miennes!