Par
ALFRED KORZYBSKI1
THE INTERNATIONAL NON-ARISTOTELIAN
LIBRARY PUBLISHING COMPANY
NEW YORK
La traduction est de Yuri (Georges Psheradsky).
Cet article est le dernier écrit par Alfred Korzybski; nombreuses sont les personnes qui le considèrent comme le meilleur condensé de son oeuvre.
Charlotte Schuchardt Read
Literary Executor
Alfred Korzybski Estate
New York
Octobre, 1965
Au cours de mes travaux, j'ai découvert que quelques principes simples constituent le fondement de mon sujet, et je vais tenter de les communiquer ici. Pour plus de détails, je renvoie le lecteur à la bibliographie donnée à la fin de cet article et au grand nombre d'autres ouvrages disponibles qui se rapportent à la question.
L'objet de mes études ne concernant pas directement le problème de la "perception", j'utiliserai ce terme ici dans son sens vernaculaire. Je ne me sens pas qualifié pour le définir, et, par conséquent, j'emploierai des guillemets pour indiquer ma façon non-technique de traiter ce type de réactions humaines. Je ne puis éviter de toucher indirectement aux problèmes de la "perception", mais je le ferai sous un angle différent.
De toute évidence il s'agissait d'un problème de "perception" limitée, où principalement l"'audition" entrait en jeu avec différentes interprétations. Un autre exemple de "perception" peut être offert et chacun peut en faire personnellement l'expérience. En fait, je suggère que cette démonstration facile soit répétée par tous les lecteurs de cet article. Il faut deux personnes pour effectuer cette expérience. La première, à l'insu de l'autre, découpe des en-têtes d'articles de même dimension, extraits de différents numéros d'un journal. Le sujet ne doit pas changer de place d'un bout à l'autre de l'expérience. Un des en-têtes lui est présenté à partir d'une certaine distance. S'il est capable de le lire, on met cet en-tête de côté. Ensuite, on lui en présente un autre, différent, à une distance un peu plus grande. Si, de nouveau, il est capable de le lire, on met cet en-tête également de côté. Cette manoeuvre est répétée jusqu'à ce que le sujet ne soit plus capable de lire l'entête présenté. Le démonstrateur, lui en lit alors, le contenu. Le fait surprenant de l'histoire est que le sujet est alors en mesure de voir et de lire l'en-tête dès l'instant qu'il "sait" ce qu'il contient.
De telles illustrations peuvent être multipliées indéfiniment. Ces exemples suffisent pour illustrer l'impossibilité de séparer rigoureusement la "perception", la "vision", l'"audition" etc., de la "connaissance"; c'est une division qui ne peut pas être faite, sinon superficiellement à des niveaux verbaux.
Dans une orientation non-aristotélicienne, nous tenons pour acquis que tous les "processus perceptuels" impliquent, de la part de notre système nerveux, l'activité d'abstraire à des niveaux de complexité différents. L'expérience en neurologie montre le caractère sélectif des réponses de l'organisme aux situations globales, et les communications présentées au cours de ce symposium corroborent également l'opinion que les mécanismes de "perception" résident dans la faculté de notre système nerveux d'abstraire et de projeter.
Abstraire, par nécessité, implique évaluer, consciemment ou non, et par conséquent, le processus d'abstraire peut être considéré comme un processus d'évaluation de stimuli, qu'il s'agisse d'un "mal de dents", d'une "migraine" ou de la lecture d'un "traité de philosophie". Un grand nombre de facteurs entrent en jeu dans la "perception" comme le suggère le contenu de ce symposium. Comme ce phénomène semble être un processus circulaire, il est considéré ici aux niveaux de complexité inférieurs et supérieurs (voir page 38).
Les Processus d'abstraction. Dans l'état actuel de nos connaissances nous pouvons dire que toute vie est de caractère électro-colloïdal, le fonctionnement du système nerveux y compris. Nous en ignorons jusqu'à présent les mécanismes intrinsèques, mais d'un point de vue électro-colloïdal, chaque partie du cerveau est connectée avec chacune des autres parties et avec notre système nerveux dans son ensemble. Sur une telle base, même s'il devient nécessaire d'examiner en détails les différents aspects des processus d'abstraction à des fins d'analyse, il nous faudrait réaliser que ces différents aspects constituent les parties d'un seul processus global et continu de la vie humaine dans des conditions normales.
Considérons le comportement de notre système nerveux lorsque nous "percevons" quelque chose qui se produit ou un événement quelconque. Le terme "événement" est utilisé ici dans le sens que lui donne Whitehead: comme une coupe instantanée d'un processus. Laissons tomber, par exemple, une boîte d'allumettes. Il s'agit ici d'un événement d'ordre premier qui se produit à des niveaux non-verbaux, ou ce que l'on appelle les niveaux "silencieux" ou "in-dicibles". La lumière réfléchie frappe l'oeil et nous obtenons dans le cerveau des sortes de configurations électro-colloïdales; ensuite, puisque nous sommes des organismes sensibles, nous pouvons réagir à ces configurations par des sortes de "sentiments", des évaluations, etc., aux niveaux "silencieux". Finalement, aux niveaux verbaux, nous pouvons parler à propos de ces réactions "organismales". Newton, par exemple, aurait pu dire sur la chute de la boîte d'allumettes: "gravitation". Einstein pouvait dire: "courbure de l'espace-temps". Mais quoi que nous puissions dire à ce sujet, l'événement d'ordre premier reste aux niveaux silencieux. La manière dont nous en parlerons pourra changer d'un jour à l'autre, d'une année à l'autre, ou d'un siècle à l'autre. Toutes nos "sensations", nos "réflexions", nos "amours", nos "haines" etc. se produisent à des niveaux silencieux in-dicibles mais peuvent être affectés par les niveaux verbaux grâce à une interaction continue. Nous pouvons employer des mots à leur sujet, pour nous-mêmes ou pour les autres, nous pouvons les intensifier, les diminuer, etc., mais ceci constitue un problème différent.
Le diagramme suivant (Figure I) représente une analyse
extensionnelle du processus d'abstraction d'un point de vue électro-colloïdal
non-aristotélicien. Cette analyse est simplifiée
à l'extrême et pourrait être plus approfondie.
Toutefois elle nous suffit pour expliquer brièvement les
aspects les plus généraux et les plus importants
du problème.
La plupart d'entre nous identifient en valeur les niveaux I, II, III et IV et réagissent comme si nos expressions verbales à propos des trois premiers niveaux étaient le "ça" de l'événement (voir page 17 et suivantes). Quoi que nous puissions dire que quelque chose "est", il tombe sous le sens que ce n'est pas le "quelque chose" des niveaux silencieux. En effet, comme l'a écrit Wittgenstein: "ce qui peut être montré ne peut pas être dit." Par expérience, j'ai découvert qu'il est pratiquement impossible de communiquer la différentiation entre les niveaux silencieux (indicibles) et les niveaux verbaux autrement qu'en priant l'auditeur ou le lecteur de se pincer avec une main, un doigt de l'autre main. C'est alors qu'il réalise d'une manière "organismale" que les expériences psycho-logiques directes d'ordre premier ne sont pas verbales. La simplicité de cette constatation pourrait nous induire en erreur si nous ne prenions conscience de ses implications, car dans nos réactions en tant qu'êtres vivants, la plupart d'entre nous identifient en valeur les niveaux entièrement différents, avec souvent des conséquences désastreuses.
Malheureusement, les gens en général, y compris de nombreux scientifiques, négligent complètement les niveaux II et III et réagissent comme s'ils n'avaient pas conscience que IV "n'est pas" I. En d'autres termes nous ne prenons pas en considération les mécanismes du système nerveux humain, ou bien, ne "pensons pas de manière électro-colloïdale" à propos de nos réactions. Une telle négligence conduit à des incompréhensions, à d'orageux débats bivalents ("soit-soit"), des hostilités, des préjugés, à l'amertume, etc. Dans l'histoire de la "philosophie", par exemple, le combat métaphysique à propos du "solipsisme" cesse tout simplement d'être un problème lorsque nous prenons conscience du fait que la seule connexion possible entre les niveaux silencieux (non-verbaux) et les niveaux verbaux, lesquels sont par inhérence différents les uns des autres, se trouve dans leur similarité de structure, exprimée en termes de relations, et sur laquelle le système non-aristotélicien actuel est fondé.
Une prise de conscience des processus d'abstraction clarifie la structure d'un grand nombre de nos difficultés interpersonnelles, professionnelles etc., difficultés qui peuvent se changer en bagatelles ou même ne plus exister, si nous devenons conscients des identifications en jeu. Des problèmes qui se sont créés d'eux-mêmes se révèlent souvent par la suite ne pas en être du tout.
Toute assertion est verbale; elle n'est jamais le "ça" silencieux. Quelqu'un dans un cauchemar peut rêver qu'il "est" un Staline. Cela peut être bien innocent. Quelqu'un, en plein jour, peut rêver qu'il est un Staline; cela c'est plus: sérieux. Quelqu'un peut proclamer consciemment "Je suis Staline," et le croire, et commencer à tirer sur ceux qui ne sont pas d'accord avec lui; en général un tel individu est enfermé dans un asile et son cas d'ordinaire est sans espoir.
Nous voyons comment le diagramme ci-dessus indique les mécanismes sémantiques humains (d'évaluation) de l'individu moyen qui oscille entre la sanité et les troubles sémantiques. Il est bien connu que ce qui serait seulement un rêve pour une personne "normale", "est la réalité" pour un sujet atteint de démence précoce et qui se comporte et vit en accord avec cette "réalité".
Ces mécanismes fonctionnent également de façon
pathologique chez les adultes infantiles qui vivent dans un monde
imaginaire construit sur des identifications.
Les niveaux verbaux sont, par ailleurs, d'une importance unique
pour l'homme parce que nous sommes capables de passer d'abstraction
en abstraction à des niveaux verbaux de plus en plus élevés
à partir de I - II - III, etc. Dans la vie humaine,
IV représente les moyens d'inter-communiquer et de
transmettre d'individu à individu et de génération
à génération, les expériences accumulées
par les individus et par la race. J'appelle cette capacité
humaine la caractéristique "time-binding".3
Les niveaux symboliques de comportement différencient de
façon très nette les réactions humaines
d'avec les réactions-signal des formes de vie
inférieures et moins complexes. Si ces expériences
accumulées ne sont pas traduites en mots convenablement,
le développement humain risque d'être sérieusement
dévié ou même suspendu.
Ce graphique très simple représente des processus
extrêmement complexes mettant en jeu la "perception"
à différents niveaux, les problèmes d'interprétation,
le formalisme verbal, etc. Chaque type de réaction humaine,
des niveaux les plus bas aux niveaux les plus élevés,
engage ces mécanismes; ne pas en être conscient peut
conduire à des évaluations erronées perturbatrices,
génératrices de frustrations ou d'autres conséquences
désastreuses. Nous verrons plus tard, comment ce diagramme
s'applique aux structures de langage primitives et aristotéliciennes.
J'ai souligné ici l'aspect sérieux ou tragique de
nos processus d'abstraction parce que je m'efforce de faire saisir
l'énorme valeur-vitale de ce qui pourrait autrement
paraître trop simple et évident.
"Pensée" Verbale et Non-verbale. On
remarquera que j'ai mis le mot "pensée" entre
guillemets. Ce terme implique généralement une activité
plutôt "corticale", ce qui indiquerait verbalement
une sorte de scission entre le fonctionnement des régions
corticales et thalamiques de notre système nerveux,
alors qu'en fait il n'existe aucune rupture de ce genre, mais
bien interaction et intégration à différents
niveaux.
"Est-ce que toute pensée est verbale?" Certains
disent "oui", d'autres disent "non". Si toutefois
nous nous limitons à une "pensée" verbale,
nous retombons dans nos vieilles ornières linguistiques
des générations d'autrefois lesquelles ont été
socio-culturellement stylées et neurologiquement canalisées
dans les formes de représentation héritées
du passé. Dans de telles conditions, nous sommes incapables
ou inadaptés pour voir le monde intérieur ou extérieur
d'un oeil neuf, et, par ce fait, nous affligeons d'un handicap
les activités scientifiques et les autres activités
créatrices. Nous parlons avec tant de faconde de "liberté"
et nous ne prenons jamais en considération les degrés
de liberté de Willard Gibbs desquels dépend
toute notre progression. Un système non-aristotélicien
comprend cette nouvelle orientation et celle-ci finalement
entraîne à "penser" d'une façon
créatrice. Ainsi, une automobile a indéfiniment
plus de degrés de liberté qu'un tramway lequel est
"canalisé" sur ses rails. Malheureusement, tragiquement
peut-être, et faisant montre d'une caractéristique
particulièrement notoire de l'orientation aristotélicienne
du sujet-prédicat, la plupart d'entre nous pensent
verbalement, ce qui donc handicape ou bloque nos possibilités
de "pensée" créatrice. La manière
physico-mathématique et donc scientifique de "penser"
a permis de surmonter ces handicaps; elle se trouve ainsi à
la base de l'oeuvre scientifique créatrice qui procure
à l'humanité tant de bienfaits.
Il y a une différence énorme entre le "penser"
en termes verbaux d'une part, et d'autre part, le "contempler",
intérieurement silencieux, à des niveaux non-verbaux,
suivi d'une recherche minutieuse de la structure de langage propre
à s'adapter à la structure, supposée déjà
découverte, des processus silencieux que la science moderne
s'efforce de dévoiler. Si nous "pensons" verbalement,
nous agissons comme des observateurs de parti pris et projetons
sur les niveaux silencieux la structure du langage que nous utilisons;
en agissant ainsi nous restons embourbés dans notre routine
d'anciennes orientations lesquelles rendent pratiquement impossibles
aussi bien les observations ("perception"?) rigoureuses
et sans parti pris, que tout travail créateur. Par contre,
lorsque nous "pensons" sans mots, ou par images ou par
visualisations (ce qui implique une structure et donc, des relations),
il nous est possible de découvrir de nouveaux aspects et
relations aux niveaux silencieux et par suite de formuler d'importants
résultats théoriques dans la recherche générale
d'une similarité de structure entre les deux niveaux, le
silencieux et le verbal. Pratiquement tous les progrès
importants ont été accomplis de cette façon.
Jacques Hadamard, le grand mathématicien, a fait une étude
sur la manière dont certains mathématiciens et scientifiques
éminents ont coutume de "penser". Je renvoie
pour cela à son précieux petit livre sur The
Psychology of Invention in the Mathematical Field [La psychologie
de l'invention dans les mathématiques] (11). La majorité
de ces créateurs ont déclaré qu'ils "pensent"
en termes de structures visuelles. "La plupart du temps,
des images sont utilisées et très souvent ces images
sont de nature géométrique," a-t-il
découvert (1l, p. 114). Je pourrais rapporter ici, une
des questions que pose Hadamard, et à laquelle Einstein
a fourni une réponse d'un intérêt particulier
en ce qui nous concerne:
Question: I1 serait très
utile, pour une enquête psychologique, de savoir de quelles
images internes ou mentales, de quelle sorte de "mot interne"
les mathématiciens font usage; ces images sont-elles
de nature motrice (kinesthésique), auditive, visuelle ou
mixte, selon le sujet étudié (1l, p. 140).
Réponse: Les éléments
mentionnés ci-dessus sont, dans mon cas, de type visuel
et quelques-uns de type musculaire. Les mots conventionnels
ou autres signes doivent être cherchés laborieusement
et seulement à un second stade, lorsque le jeu des associations
en question est suffisamment engrené pour être reproduit
à volonté
Pour autant qu'ils interviennent
du tout, les mots sont, dans mon cas, purement auditifs, mais
ils ne s'interposent qu'à un stade secondaire, ainsi que
je l'ai déjà dit (11, p. 143.)4
Personnellement, je "pense" en termes d'images et la
façon dont je parle ultérieurement de ces
évocations est un problème différent. Lorsque
j'effectue un travail créateur je note également
une forte tension des yeux due à cette visualisation qui
semble être en relation d'une façon ou d'une autre
avec la "perception".
En rapport avec ce sujet je peux également renvoyer à
un essai des plus importants sur "La création mathématique"
dû au grand mathématicien Henri Poincaré (34),
et qui, dans les premières années de ce siècle,
fut donné sous forme de conférence devant la Société
Psychologique de Paris.
Le langage devient alors un moyen d'expression, par l'entremise
duquel nous nous parlons éventuellement à nous-mêmes
ou aux autres, et ayant ses propres limites bien définies.
"La relation entre le langage et l'expérience est
souvent mal comprise," a découvert Sapir (40). "Le
langage n'est pas seulement, comme on l'a maintes fois supposé
avec naïveté, un inventaire plus ou moins systématique
des divers éléments de l'expérience qui paraissent
pertinents à l'individu; il constitue aussi une organisation
autonome créatrice et symbolique qui, non seulement se
réfère à une expérience largement
acquise sans son secours mais, positivement, définit
pour nous l'expérience en raison de sa plénitude
formelle et par le fait de notre projection inconsciente des expectations
implicites qu'il contient dans le champ de l'expérience"
(italiques de l'auteur).
Comme l'a dit Santayana: "L'empiriste... pense qu'il croit
seulement ce qu'il voit, mais il s'en sort beaucoup mieux pour
croire que pour voir" (21, p. 1).5
Dans An Essay on Man, [Un essai sur l'homme] Ernst Cassirer
(7) discute de "l'avidité pour les noms" que
manifeste tout enfant normal d'un certain âge.
En apprenant à donner un nom aux choses, l'enfant
n'ajoute pas simplement une liste de signes artificiels à
sa connaissance antérieure des objets dont l'expérience
lui est immédiatement perceptible. Il apprend plutôt
à former les concepts de ces objets pour pouvoir s'accorder
au monde objectif. A partir de là, l'enfant se sent sur
un terrain plus solide. Ses perceptions vagues, incertaines et
fluctuantes ainsi que ses sentiments diffus commencent à
revêtir une nouvelle forme. On peut dire d'eux qu'ils se
cristallisent autour du mot en tant que centre fixe, foyer de
pensée.
Ici, cependant, repose un aspect important de la "dénomination"
ou "étiquetage":
L'acte même de dénommer dépend
d'un processus de classification... celles-ci (les classifications)
sont fondées sur des éléments constants et
qui reparaissent souvent dans notre expérience sensorielle...
Il n'existe pas de schéma rigide et préétabli
selon lequel nos divisions ou subdivisions pourraient être
fixées une fois pour toutes. Même dans les langages
étroitement apparentés et s'accordant dans leur
structure générale, nous ne trouvons pas de noms
identiques. Comme Humboldt l'a fait remarquer, les termes grecs
et latins pour désigner la Lune, quoiqu'ils se rapportent
au même objet, n'expriment pas la même intention ou
le même concept. Le terme grec (mèn) souligne
la fonction de la lune pour la "mesure" du temps; le
terme latin (luna, luc-na) met en évidence
la luminosité de la Lune ou son éclat... La fonction
d'un nom se limite toujours à faire ressortir un aspect
particulier d'une chose, et c'est précisément de
cette restriction et de cette limitation que dépend la
valeur du nom... dans l'acte de dénommer nous sélectionnons
certains centres de perception fixes dans la multiplicité
et la dispersion des données de nos sens (7).6
Un "nom" (étiquette) entraîne chez un individu
donné, toute une constellation ou configuration d'étiquettes,
de définitions, d'évaluations etc., uniques pour
chaque individu conformément à son environnement
socio-culturel et linguistique, et à son hérédité,
en connexion avec ses désirs, ses intérêts,
ses besoins, etc.
Cassirer fait quelques comparaisons intéressantes entre
un enfant qui apprend son premier langage et un adulte qui étudie
une langue étrangère. Je puis ajouter ici qu'en
ce qui me concerne, il se trouve que j'ai été élevé
en quatre langues (issues de trois racines différentes),
ce qui m'a aidé à ne pas être limité
par les mots, comme j'aurais pu l'être si je n'avais appris
qu'une seule langue lorsque j'étais enfant.
Nous constatons avec quel sérieux nous devons considérer
la terminologie; elle est affectée par notre Weltanschauung
générale qu'elle détermine tout à
la fois. En 1950, nous devons visualiser le monde en général
comme un processus sub-microscopique, électronique
et dynamique, et nous représenter la vie, en particulier,
comme un processus électro-colloïdal d'une complexité
encore bien supérieure (l,2). Qu'est ce qui nous a rendu
possible de visualiser un "objet" et la vie de cette
façon? Des théories, des transpositions d'idées
en mots, échafaudées durant des milliers d'années,
jusqu'aux dernières des découvertes de la science
moderne. Ainsi, de nouveau, nous trouvons-nous en face de
cette circularité sans fin (voir pages 38-40). Le
fait que nous puissions "percevoir" les événements,
les objets ou les personnes de cette manière, a des répercussions
très importantes sur l'ensemble de ce processus, comme
nous le verrons plus loin dans notre discussion.
Structures des Langages Primitifs. Tous les langages possèdent
une structure d'une certaine sorte, et chaque langage reflète
dans sa propre structure celle du monde telle que l'ont présumée
ceux qui ont développé ce langage.7 Réciproquement,
nous projetons dans le monde, la plupart du temps inconsciemment,
la structure du langage que nous employons. Du fait que nous estimons
la structure de notre propre langage habituel comme allant tellement
de soi, particulièrement si nous sommes nés dans
le milieu qui l'utilise, il est parfois difficile de réaliser
combien les peuples munis d'autres structures de langage conçoivent
le monde différemment.
La structure de quoi que ce soit, qu'il s'agisse d'un langage,
d'une maison, d'une machine etc. doit exister en termes de relations.
Pour qu'il y ait "structure" nous devons avoir tout
un complexe ou un réseau de parties ordonnées et
intimement reliées entre elles. Le seul contact possible
entre les niveaux non-verbaux et verbaux est établi
en termes de relations et par conséquent, les relations
en tant que facteurs de structure, donnent le seul contenu de
toute connaissance humaine. Partant de là, nous pouvons
réaliser l'importance de la structure d'un langage, quel
que soit ce langage. Bertrand Russell et Ludwig Wittgenstein en
se vouant avec une attention méticuleuse au problème
de la structure, furent les précurseurs de marque dans
ce domaine (38, 39, 51). Il ne m'est pas possible ici d'entrer
plus avant dans ce problème, si ce n'est pour essayer d'en
transmettre l'importance fondamentale.
Parmi les peuplades primitives qui "pensent" d'une manière
"pré-logique", monovalente la "conscience
d'abstraire" est pratiquement nulle. L'effet sur l'individu
produit par quelque chose à l'intérieur de lui-même
se projette à l'extérieur, et acquiert souvent un
caractère démoniaque. L"'idée"
d'une action ou d'un objet est identifiée avec l'action
ou l'objet lui même.
Le stade "paralogique", lui, est un peu plus avancé.
Ici les identifications sont fondées sur des similarités
et les différences sont négligées (non
consciemment, bien entendu). Lévy-Bruhl décrit
ce niveau primitif d'évaluations en formulant la "loi
de participation" suivant laquelle toutes les choses qui
possèdent des caractéristiques similaires "sont
les mêmes'' (29; 21, p. 514). Un "syllogisme"
primitif se développe plus ou moins comme suit: "certains
Indiens courent vite, le cerf court vite, donc certains Indiens
sont des cerfs." Ce processus d'évaluation
est entièrement naturel à ce niveau; il pose les
fondations pour la construction du langage et pour des
abstractions d'ordre plus élevé. Nous avons procédé
par similarités, trop souvent considérées
comme des identités.
Les hommes primitifs ne discutent pas des "idées"
abstraites. Comme l'a découvert Boas, "L'Indien ne
parlera pas de la bonté en tant que telle, quoiqu'il puisse
très bien parler de la bonté d'une personne. Il
ne parlera pas d'un état de bonheur en le séparant
de la personne qui se trouve dans cet état". Cependant,
Boas conclut: "Le fait de ne pas se servir de formes généralisées
d'expression ne démontre pas une incapacité de les
créer, mais prouve seulement que le mode de vie de ces
peuplades est tel que ces formes ne sont pas requises" (3,
pp. 64-67).
L'utilisation de termes abstraits tel que "la bonté
en soi", rendit possible une économie énorme
dans la communication, elle accéléra aussi fortement
le progrès "time-binding" humain, et finalement
rendit possible la science moderne. Mais en même temps,
le fait même de nous livrer à des abstractions d'ordres
supérieurs devient un danger si nous ne sommes pas conscients
d'être en train de le faire et si nous gardons en mémoire
les confusions ou identifications primitives concernant les ordres
d'abstractions.
La citation suivante8
extraite de "Being and Value in a Primitive
Culture" ["L'être et la valeur dans une culture
primitive"] de Dorothy D. Lee fait apparaître (par
les faits plutôt que par des généralisations
verbales d'ordre supérieur; voir pages 26-29) le type
extensionnel de la structure du langage des trobrianders (25,
p. 402).
Si j'avais à me rendre avec un trobriander
dans un jardin où le taytu, une espèce d'igname,
vient d'être cueilli, je reviendrais en vous disant: "Il
y a là d'excellents taytus, ils sont tout juste à
point, grands et parfaitement conformés; ils n'ont pas
une brunissure, pas une tache; gentiment arrondis aux extrémités
et sans bout pointu; tout a été cueilli d'un seul
coup, il n'y aura pas de second glanage." Le trobriander
lui, reviendra en disant "taytu"; et dans ce mot il
aura dit tout ce que moi je vous ai dit et même plus. Même
la phrase "il y a des taytus" représenterait
une tautologie puisque l'existence est impliquée dans l'essence
puisque en fait elle est un des ingrédients de l'essence
pour le trobriander. Et tous les attributs, même s'il pouvait
dans son propre langage trouver des mots, là, sous la main,
pour les exprimer, constitueraient une tautologie puisque le concept
de taytu les contient tous. En fait, si un seul de ces qualificatifs
était absent, l'objet ne serait pas un taytu. Un tel tubercule,
s'il n'est pas à un stade de maturité permettant
la récolte, n'est pas un taytu. S'il n'est pas mûr,
c'est un bwabawa. S'il est trop mûr, vidé, ce n'est
pas un taytu ramolli mais quelque chose d'autre encore, un yowana.
S'il est taché de rouille, c'est un nukunokuna. S'il a
des taches de décomposition c'est un taboula. S'il est
difforme, c'est un usasu. S'il est de forme parfaite mais petit,
c'est un yagogu. Si le tubercule, quelle que soit sa forme, ou
sa qualité provient d'un glanage d'après saison,
c'est un ulumadala. Quand le tubercule trop mûr, c'est-à-dire
le yowana, projette des pousses sous terre ce n'est pas un yowana
qui germe, mais un silisata. Quand de nouveaux tubercules se sont
formés sur ses pousses ce n'est pas un silisata mais un
gadena....
Comme l'être est identifié avec l'objet,
il n'y a pas de mot pour le verbe être; comme l'existence
est immuable, il n'y a pas de mot signifiant devenir.
Il est également significatif de constater que les différenciations
et les généralisations temporelles dont nous
disposons sont absentes chez les trobrianders:
Les verbes trobriands, ne faisant aucune distinction
temporelle, n'ont pas de temps. L'histoire et la réalité
mythique ne sont pas le "passé" pour les trobrianders.
Elles sont toujours présentes et participent à la
vie courante de tout individu, donnant une signification à
toutes ses activités et à toute existence. Un trobriander
parlera du jardin que le frère de sa mère a planté
ou de celui que le Tudava mythologique a planté, exactement
dans les mêmes termes que ceux qu'il utilisera pour parler
d'un jardin qu'il est lui-même en train de planter; et de
parler ainsi lui donnera satisfaction
(25, p. 403).
Le trobriander n'a pas de mot pour "l'histoire".
Quand il veut distinguer entre différentes sortes d'événements
il dira par exemple: "Molubabeba dans-enfant-son"
ce qui signifie "dans l'enfance de Molubabeba", il ne
s'agit pas d'une phase antérieure au temps actuel mais
d'une autre sorte de temps" (25, p. 405; italiques de
1'auteur).
De nombreux et excellents articles et livres ont été
écrits par des anthropologues, des psychiatres, des linguistes,
etc., sur la façon dont des peuplades primitives différentes
ou différents complexes nationaux dissèquent la
nature de diverses manières selon la structure du langage
qu'ils utilisent.9
Les caractéristiques principales des structures primitives
de langage ou encore structures "pré-logiques"
et "para-logiques" peuvent être réduites
sommairement à leurs identifications des différents
ordres d'abstractions et à l'absence de termes abstraits
dont elles témoignent. Les "perceptions" des
individus aux niveaux primitifs sont souvent différentes
des nôtres, différentes dans la mesure où
les abstractions d'ordre plus élevé sont confondues
et identifiées avec les abstractions d'ordre inférieur
au niveau desquelles elles sont projetées. Les primitifs
identifient ou assignent une seule valeur à des
ordres d'abstractions divers et essentiellement polyvalents; ce
faisant ils deviennent imperméables aux contradictions
avec la "réalité", de même qu'une
expérience d'un ordre plus élevé leur est
inaccessible.10
Structure du Langage Aristotélicien. Dans l'évolution
culturelle de l'humanité, nos abstractions courantes furent
codifiées çà et là par des systèmes
comme, par exemple, le système aristotélicien. Le
terme "système" est employé ici dans le
sens de "un ensemble de fonctions doctrinales apparentées"
(les fonctions doctrinales de feu le professeur Cassius Keyser
[17]). Nous nous préoccupons ici de cette structure à
cause de son influence encore énorme sur ceux d'entre nous
dont la structure de langage est du type indo-européen.
Mon propos, en l'instance, est d'attirer l'attention sur le fait
qu'en discutant de l'imperfection du système aristotélicien
en 1950, je ne dénigre nullement le travail remarquable
et sans précédent d'Aristote aux environs de 350
avant J.-C. Je témoigne explicitement de ma profonde
admiration pour son génie extraordinaire, particulièrement
remarquable si l'on tient compte de l'époque où
il vivait. Néanmoins, la déformation de son système
et la stagnation forcée de ce système déformé,
maintenue pendant près de deux mille ans par les groupes
dirigeants, souvent sous menace de torture et de mort, ont conduit
et ne peuvent que conduire à encore plus de désastres.
D'après ce que nous savons d'Aristote et de ces écrits,
il est peu douteux que s'il était en vie, il eût
jamais toléré de telles altérations et une
telle fixité artificielle du système qui lui est
généralement attribué.
L'espace m'étant limité je ne puis ici entrer dans
le détail et je ne peux que renvoyer le lecteur à
mon ouvrage plus important sur ce sujet, Science and Sanity:
An Introduction to Non-aristotelian Systems and General Semantics
[Science et sanité. introduction aux systèmes non-aristotéliciens
et à la sémantique générale] (21).
Sous forme de table des orientations aristotéliciennes
et non-aristotéliciennes un résumé sommaire
donné dans ce livre (21, p. xxv et suivantes) peut aider
à communiquer au lecteur l'importance de ce problème.
Je vais maintenant mettre en évidence certaines des considérations
maîtresses de la structure du système aristotélicien
ainsi que ses effets sur notre optique du monde, nos évaluations
et par conséquent, même nos "perceptions".
Pratiquement depuis l'énoncé des formulations d'Aristote,
et en particulier à la suite des distorsions qu'elles ont
subies ultérieurement, un grand nombre de critiques ont
été faites à leur propos, pour la plupart
inefficaces parce qu'inexploitables. Une de leurs insuffisances
les plus sérieuses s'est révélée très
récemment être la croyance dans le caractère
unique de la forme de représentation sujet-prédicat,
en ce sens que tous les types de relation de ce monde peuvent
être exprimés sous cette forme, ce qui est évidemment
infirmé par les faits et rendrait la science et les mathématiques
impossibles.
Je voudrais citer les remarques suivantes11 de Bertrand
Russell dont les travaux concernant l'analyse des relations sujet-prédicat
firent époque.
La croyance ou la conviction inconsciente que toutes
les propositions sont du type sujet-prédicat-en d'autres
termes que chaque fait consiste en quelque chose possédant
quelque qualité-a rendu la plupart des philosophes incapables
de donner un compte rendu du monde de la science et de la vie
quotidienne. . . (37, p. 45; 21, p. 85).
En règle générale, les philosophes
ne sont pas arrivés à relever plus de deux types
de phrases; elles sont illustrées par les deux déclarations
que voici: "ceci est jaune' et "les boutons d'or sont
jaunes". Ils supposent incorrectement, d'une part que ces
deux déclarations sont d'un seul et même type, d'autre
part que toutes les propositions sont de ce type. La première
erreur fut exposée par Frege et Peano; on découvrit
que la seconde rendait impossible l'explication de l'ordre. En
conséquence, le point de vue traditionnel qui veut que
toute proposition attribue un prédicat à un sujet
s'effondra et avec lui tous les systèmes métaphysiques
qui étaient fondés consciemment ou non sur ce principe
(39, p. 242; 21, p. 131).
Des relations asymétriques sont en jeu dans
toutes les séries-espace et temps, plus grand et moins
grand, le tout et la partie, et bien d'autres parmi les plus importantes
caractéristiques de notre monde. Il en découle que
la logique réduisant toute chose au sujet et au prédicat
est astreinte à condamner tous ces aspects comme erreur
et pure apparence (37, p. 45; 21, p. 188).
Dans cet esprit, je voudrais rapporter quelques remarques d'Alfred
Whitehead, également auteur d'une étude de la plus
haute importance sur ce sujet:
Les habitudes de penser sujet-prédicat
avaient été imprimées dans l'esprit européen
par l'accent exagéré donné à la logique
d'Aristote durant la longue période du Moyen Age. Il est
probable que par rapport à cette distorsion de l'esprit,
Aristote n'était pas aristotélicien (49, pp. 8D~81;
21, p. 85).
Le mal produit par la "substance première"
aristotélicienne est exactement cette habitude d'exagération
métaphysique concernant la forme de proposition sujet-prédicat
(49, p. 45).12
La position philosophique alternative doit commencer
par la dénonciation de toute idée du "sujet
qualifié par le prédicat", comme un piège
posé aux philosophes par la syntaxe du langage (48, p.
14; 21, p. 85).13
Dans son "Languages and Logic" ["Langages et logique"]
Benjamin Lee Whorf procède à une analyse des structures
de langage primitif et autres (50, pp. 43-52).
Les langages indo-européens et de nombreux
autres accordent une place prépondérante à
un type de phrases comprenant deux parties, chaque partie construite
autour d'une classe de mots-substantifs et verbes-que ces langages
traitent différemment dans leur grammaire.... Les Grecs
et particulièrement Aristote, ont édifié
ce contraste et en ont fait une loi de la raison. Depuis lors,
l'opposition a été énoncée en logique
de différentes manières: sujet et prédicat,
acteur et action, les choses et les relations entre les choses,
les objets et leurs attributs, quantités et opérations.
Ensuite conformément de nouveau à la grammaire,
la notion s'implanta suivant laquelle l'une de ces catégories
d'entités peut exister isolément, mais que la classe
du verbe ne peut exister sans la présence d'une entité
de l'autre classe, la catégorie "chose".... Nos
langages indiens [américains3 montrent qu'avec une grammaire
appropriée nous pouvons obtenir des phrases intelligentes
qui ne peuvent pas être réduites au sujet et prédicat.14
La structure sujet-prédicat du langage fut le résultat
de l'attribution à la "nature" de "propriétés"
ou "qualités" alors que les "qualités",
etc., sont en fait fabriquées par notre système
nerveux. La perpétuation de telles projections tend à
maintenir l'humanité aux niveaux archaïques de l'anthropomorphisme
et de l'animisme dans leurs évaluations de leurs environnements
et d'eux-mêmes.
Le principal verbe dans notre langage qui a servi de structure
à ces optiques, est le verbe "être". Je
vais ici procéder à une très brève
analyse de quelques utilisations du petit mot "est"
et des effets importants de son usage sur notre "pensée".
On a découvert qu'une étude complète du terme
"est" s'avère très complexe. Le grand
mathématicien et logicien Augustus de Morgan, un des fondateurs
de la logique mathématique, a dit avec justesse dans sa
"Formal Logic" ["La logique formelle"] (1847)
(S, p. 56):
Une tentative en vue de traiter intégralement
du terme "est" conduirait pour le moins à l'étude
de la forme et de la matière de tout ce qui existe,
sinon jusqu'à l'étude de la forme et de la matière
possibles de tout ce qui n'existe pas, mais qui pourrait exister.
Pour autant que cela puisse se faire, cela donnerait la grande
encyclopédie, et son supplément annuel serait l'histoire
de la race humaine durant ladite période.
Ici, suivant Russell, nous pouvons simplement spécifier
en gros que dans les langages indo-européens, le verbe
"être" a pour le moins quatre usages différents
(36, p. 64):
1) comme verbe auxiliaire: c'est fait.15
2) comme le "est" d'existence: je suis.
3) comme le "est" d'attribution: la rose est rouge.
4) comme le "est" d'identité: la rose est une
fleur.
Les deux premiers usages sont difficiles à éviter
en anglais [et en français] et relativement sans danger.
Les deux autres par contre sont d'une pertinence extrême
dans notre discussion. Si nous disons "la rose est rouge",
nous démentons tout notre "savoir" en 1950 en
ce qui concerne notre système nerveux et la structure du
monde empirique. Il n'y a pas de "rougeur" dans la nature,
mais seulement des radiations de longueurs d'ondes différentes.
Notre réaction à ces ondes de lumière
est uniquement notre réaction individuelle. Un daltonien,
par exemple, verra du "vert". Un individu atteint d'achromatopsie
verra du "gris". Nous pouvons dire correctement: "nous
voyons la rose comme étant rouge" ce qui ne serait
pas une altération des faits.
Le quatrième usage: le "est" d'identité,
s'il est utilisé sans la conscience des identifications
qu'il implique, perpétue un type primitif d'évaluation.
Dans certains langages - le slave par exemple - il n'y a pas de
"est" d'identité. Si nous disons "je classifie
la rose comme une fleur", structurellement c'est correct
et implique que c'est notre système nerveux qui fait la
classification.
L'importance de ce "est" d'identité implanté
dans la structure de notre langage, peut à peine être
surestimée, tant il affecte nos réactions neuro-évaluationnelles
et conduit à des estimations inappropriées dans
la vie quotidienne de chacun d'entre nous, qui sont parfois cause
de grandes tragédies.
Profitons-en pour nous rappeler maintenant la "grammaire
philosophique" de notre langage que nous appelons les "lois
de la pensée" telles qu'elles sont présentées
par Jevons (12; 21, p. 749):
1) la loi d'identité: tout ce qui est, est;
2) la loi de contradiction: rien ne peut à la fois être
et n'être pas;
3) la loi du tiers exclus: tout doit, ou bien être ou bien
ne pas être.
Ces "lois" ont différentes interprétations
"philosophiques", mais pour notre propos, il est suffisant
de souligner que (a) la seconde "loi" représente
un énoncé négatif de la première et
la troisième un corollaire des deux premières, à
savoir aucun tiers n'est possible entre deux contradictoires;
et (b) le verbe "être" ou "est" et "l'identité"
jouent un rôle fondamental dans ces formulations et les
réactions sémantiques subséquentes.
"L'identité" en tant que "principe"
est définie comme la parité absolue en 'chaque'
rapport et sous 'tous' les rapports. Dans ce monde de processus
aux mutations sans fin, cette identité ne peut jamais être
trouvée ni empiriquement ni aux niveaux silencieux de nos
systèmes nerveux. Une "identité partielle"
ou "une identité sous certains aspects" ne représente
évidemment qu'une contradiction dans les termes. L'identification
dans le sens où ce terme est utilisé ici, peut être
observée à un niveau très bas dans l'échelle
de la vie. Elle peut être considérée comme
le premier acte organique et/ou "organismal" de relier
"cause" et "effet", ordre, etc., lorsque les
organismes inférieurs répondaient effectivement
aux signaux "comme si" ils étaient des réalités.
Aux niveaux inférieurs, de telles identifications organiques
ont une valeur de survie. Les observations de laboratoire montrent
que l'amibe manifestera, envers des stimuli artificiels sans valeur
nutritive, des réactions similaires à ses réactions
à des stimuli comportant une valeur nutritive. L'amibe
en tant que brin de protoplasme vivant a identifié de
façon "organismale" un stimulus artificiel
de laboratoire, dénué de valeur nutritive, avec
la "réalité". Par conséquent, bien
que la réaction se soit produite, l'évaluation était
inappropriée, ce qui ne change pas le fait biologique que
sans de telles identifications ou réponse automatique à
un stimulus, aucune amibe ne pourrait survivre.
En progressant dans l'échelle de la vie, les identifications
se raréfient, les réactions d'identification deviennent
plus flexibles, "l'évaluation appropriée"
devient plus fréquente et l'animal de plus en plus "intelligent",
etc. Si chez l'homme on découvre des identifications, elles
ne représentent qu'une survivance des réactions
primitives et des fausses évaluations, ou encore des cas
de sous-développement ou de régression qui
sont pathologiques pour les humains.
Une bonne partie de nos identifications quotidiennes sont inoffensives
mais elles peuvent en principe, et elles le font souvent, conduire
à des conséquences désastreuses. J'offre
ici trois exemples d'identifications, vérifiés,
le premier chez un patient d'un hôpital psychiatrique, le
second chez un de mes étudiants, sujet "normal"
et le troisième chez un groupe d'indigènes du Congo
belge.
A l'époque où j'étudiais la psychiatrie à
l'hôpital Sainte Élisabeth, un médecin me
désigna un jour un malade catatonique rigidement immobile
dans un coin. Depuis des années ce malade n'avait pas parlé,
de même qu'il ne semblait pas comprendre lorsqu'on lui adressait
la parole. Il se trouvait qu'il était né et avait
passé une partie de sa vie en Lithuanie où les gens
depuis plusieurs générations avaient été
entraînés par le tsar à haïr les polonais.
Le médecin, qui ignorait ce fait historique, me présenta
au malade en disant: "je voudrais vous présenter un
de vos compatriotes, il est également polonais." Aussitôt
le malade me sauta à la gorge essayant de m'étrangler
et il fallut deux infirmiers pour l'arracher à son étreinte.
Un autre exemple est celui d'une jeune femme qui fut mon étudiante
il y a quelques années dans un de mes séminaires.
Elle occupait un poste de responsabilité, mais dans son
orientation générale, elle était pathologiquement
craintive au point qu'elle rêvait dans la journée
d'assassiner son père parce qu'il ne la défendait
pas contre sa mère qui l'avait battue et brimée
constamment. Au cours de son enfance le frère de la jeune
femme, notablement plus âgé qu'elle et le préféré
de leur mère, n'avait cessé de la traiter avec condescendance,
ce pourquoi elle le haïssait.
Au cours de l'entrevue en question, je me sentais particulièrement
satisfait de ses progrès et je lui parlais donc en souriant.
Tout d'un coup, elle se rua sur moi et commença à
vouloir m'étrangler. Cela ne dura qu'environ cinq secondes.
Il s'avéra ensuite qu'elle avait identifié mon sourire
avec l'attitude condescendante de son frère, et par conséquent
c'était "son frère" qu'elle tentait d'étrangler;
il se trouvait seulement qu'il s'agissait de mon cou.
Et voici un troisième incident que je voudrais également
rapporter qui mettra en évidence les problèmes que
nous avons à confronter (35, p. 52). Nous avons tous déjà
vu une boîte de "Aunt Jemima Pancake Flour"16
avec son portrait sur la boîte. Le docteur William Bridges
de la Société de Zoologie de New York raconte à
ce sujet l'histoire que voici: un planteur américain au
Congo belge employait quelque 250 indigènes. Un jour, le
chef local le fit appeler et lui dit avoir entendu qu'il mangeait
des indigènes. Il le prévint que s'il ne cessait
pas, il ordonnerait à ses hommes d'arrêter le travail.
Le planteur protesta de son innocence et fit venir son cuisinier
comme témoin. Celui-ci cependant affirma avec insistance
que le planteur mangeait effectivement les indigènes, mais
il refusa de préciser si ceux-ci étaient mangés
frits, bouillis ou en ragoût. Quelques semaines plus tard,
le mystère fut éclairci quand le planteur reçut
la visite d'un ami venu du Soudan et auquel était arrivée
une aventure analogue. En comparant leurs expériences réciproques
ils découvrirent la solution de l'énigme. Tous deux
avaient reçu des Etats-Unis des arrivages de boîtes
de conserve. Ces boîtes, en général, portaient
des étiquettes illustrant en images leur contenu, tel que
cerises, tomates, pêches etc. Aussi, quand les cuisiniers
virent les étiquettes avec le portrait de "Tante Jemima"
ils furent persuadés qu'une Tante Jemima devait en effet
se trouver à l'intérieur!
Une structure de langage perpétuant les réactions
d'identification nous maintient au niveau des types primitifs
et préscientifiques d'évaluation en accentuant les
similarités et négligeant (non consciemment) les
différences. C'est ainsi que nous ne "voyons"
pas ces différences et réagissons comme si deux
objets, deux personnes ou deux événements étaient
"les mêmes". De toute évidence, ceci ne
constitue pas une "évaluation appropriée"
en accord avec nos connaissances de 1950.
Lorsque nous analysons les codifications aristotéliciennes,
nous devons aussi tenir compte des types d'orientation bivalents
"soit-soit". Pratiquement tous les hommes, y compris
les peuples les plus primitifs qui n'ont jamais entendu parler
des philosophes grecs, possèdent quelque chose comme l'équivalent
de ces types d'orientation "soit-soit". Il devient
évident que nos relations par rapport au monde extérieur
et intérieur s'avèrent souvent, au niveau de
l'état brut, être bi-valents. Par exemple,
nous traitons du jour au de la nuit, de la terre ou de l'eau etc.
Au niveau de l'existence, nous avons la vie ou la mort, notre
coeur bat ou ne bat pas, nous respirons ou suffoquons, nous
avons chaud ou froid, etc. Des relations similaires se produisent
à des niveaux plus élevés. C'est ainsi que
nous avons l'induction ou la déduction, le matérialisme
ou 1'idéalisme, le capitalisme ou le communisme, les démocrates
ou les républicains, etc., et il en est ainsi sans fin
à tous les niveaux.
Dans la vie vécue, bien des questions ne sont pas si tranchées
et c'est pourquoi un système qui érige en postulat
la rigueur générale du "soit-soit",
et objectifie ainsi "classe" ("propriétés",
"qualités", etc.), est par trop déformé
et indûment limité. Il doit être révisé
et rendu plus flexible en termes de "degrés".
La nouvelle orientation requiert une "manière de penser"
physico-mathématique. Ainsi donc, si par nos présuppositions
inconscientes, par nos inférences, etc. nous évaluons
l'événement, le niveau sub-microscopique du processus,
comme s'il était le même que l'objet macroscopique
à l'état brut que nous percevons devant nous, nous
ne nous dégageons pas de notre routine de "pensée"
bi-valente. Au niveau macroscopique, si nous considérons,
par exemple, deux pommes côte à côte, nous
percevons qu'elles peuvent se "toucher" ou "ne
pas se toucher" (voir fig. II).
Ce langage ne s'applique pas au niveau sub-microscopique du processus
où le problème de "toucher" ou "ne
pas toucher" devient un problème de degré.
Aux niveaux sub-microscopiques il y a entre les deux des
interactions continuelles que nous ne pouvons pas "percevoir".
Conformément aux suppositions de la science1950,
nous devons visualiser un processus.17 Il en
découle que c'est ainsi que nous devrions "penser"
à propos d'une pomme, ou d'un être humain, ou d'une
théorie. Il n'y a pas de "perception" sans interpolation et interprétation
(21, p. xxviii et suivantes). Nous ne pouvons pas nous y opposer.
Mais nous pouvons visualiser les progrès les plus modernes
de la physique mathématique et des autres sciences, et
les projeter dans les processus silencieux indicibles qui se déroulent
autour de nous et en nous.
La structure de langage aristotélicienne a aussi perpétué
ce que j'appelle "l'élémentalisme" ou
encore la scission verbale de ce qui ne peut être empiriquement
divisé; ainsi par exemple, le terme esprit tel quel
et les termes corps, espace, temps, etc. tels quels. Il
y a seulement quelques années (1908) que 1'éminent
mathématicien Minkowski a déclaré dans son
retentissant mémoire "Space and Time" ["Espace
et temps"] présenté à la 80e
Assemblée des Physiciens et Naturalistes Allemands à
Cologne: "Les vues sur l'espace et le temps que je voudrais
exposer devant vous ont jailli des fondements mêmes de la
physique expérimentale et c'est en cela que réside
leur force. Elles sont radicales. Dorénavant l'espace en
soi et le temps en soi sont condamnés à s'estomper
jusqu'à n'être plus que des ombres, et seule une
sorte de combinaison des deux préservera une réalité
indépendante" (32, p. 75).
Cette "union" de ce qu'on avait coutume de considérer
comme des entités séparées et distinctes
devait fatalement s'accompagner d'un changement dans la structure
du langage; dans ce cas particulier, ce fut la formulation de
la nouvelle géométrie quadridimensionnelle de Minkowski
de l'"espace-temps", dans laquelle "l'espace"
et le "temps" sont réunis de façon permanente
par un simple trait d'union grammatical, rendant ainsi possible
la théorie générale de la relativité.
La vieille structure élémentaliste du langage nous
a construit un monde anthropomorphique, animiste et imaginaire
peu différent du monde des primitifs. La science moderne
rend impérative l'adoption d'une structure de langage non-élémentaliste
qui ne fractionnât pas artificiellement ce qui ne peut l'être
empiriquement. Si nous n'adoptons pas cette nouvelle structure,
nous demeurons handicapés par des blocages neuro-évaluationnels,
le manque de créativité, l'absence de compréhension,
et l'incapacité d'embrasser de larges perspectives, etc.;
nous sommes également ébranlés par des inconsistances,
des paradoxes, etc.
Les points que j'ai soulignés ci-dessus, à
savoir: le type de structure sujet-prédicat, le "est"
d'identité, les orientations bivalentes "soit-soit"
et l'élémentalisme, constituent peut-être
les caractéristiques les plus saillantes de la structure
aristotélicienne du langage; ce sont elles qui ont modelé
nos "perceptions" et entravé la recherche scientifique
grâce à laquelle jusqu'à présent et
dans bien des cas, nous avons été affranchis des
anciennes limitations et avons pu "voir le monde avec un
regard neuf". Il est bien connu que "découvrir
ce qui est évident" est des plus difficiles, simplement
parce que les anciennes tournures de "pensée"
ont bloqué notre capacité de "voir ce qui est
vieux d'un oeil neuf" (Leibnitz).
Systèmes de Langage Non-Aristotéliciens.
Comme il en advient souvent avec l'homme, lorsque nous aboutissons
à une impasse et découvrons que des révisions
et une nouvelle approche sont nécessaires, nous agissons
en conséquence. En ce qui nous concerne, considérant
les énormes progrès de la science, il devint impérieux
d'adopter une structure de langage qui ne dénaturât
pas les découvertes modernes. Comme, à ce jour,
je ne connais pas d'autre système non-aristotélicien,
je demande l'indulgence du lecteur et qu'il me pardonne de ne
parler presque exclusivement que de mes propres formulations.
Bien d'autres que moi ont procédé à des applications,
mais personnellement je ne traiterai que de l'aspect théorique
du sujet.
Le nouveau système est appelé "non-aristotélicien"
parce qu'il englobe, comme des cas particuliers dans un système
plus général, les systèmes d'évaluations
prédominants. Historiquement le système aristotélicien
a influencé le système euclidien; ensemble ils posent
les fondements du système newtonien qui en résulte.
La première révision non-aristotélicienne
est interdépendante et en parallèle avec les développements
non-euclidiens et non-newtoniens des mathématiques
et de la physique mathématique modernes. Satisfaire le
besoin d'unifier les sciences exactes et les orientations générales
de l'homme, fut un des buts principaux de la révision non-aristotélicienne,
celle-ci étant historiquement la dernière en
date par le fait de ses bien plus grandes complexités (21,
esp. p. 97)
Le système non-aristotélicien trouve son origine
en 1921 dans la nouvelle évaluation de l'humanité
considérée comme une classe de vie "time-binding"
(18). Cette évaluation est fondée sur une approche
fonctionnelle plutôt que zoologique ou mythologique
et considère "l'homme" en tant que "un organisme-comme-un-tout-dans-un-environnement".
Dans ce cas-ci les réactions de l'homme ne sont pas
scindées verbalement et de manière élémentaliste
en composantes séparées: "corps", "esprit",
"émotions", "intellect", ou différents
"sens", etc. en tant que tels, ce qui affecte les problèmes
de la '`perception" quand ils sont considérés
d'un point de vue non-élémentaliste. Avec une
conscience du caractère "time-binding" de
l'homme nos critères de valeur, et par conséquent
notre comportement, sont fondés sur l'étude des
potentialités humaines et non pas sur des moyennes statistiques
calculées au niveau de l'Homo homini lupus tirées
des réactions évaluationnelles primitives et/ou
déréglées dont nous possédons les
dossiers (23).
Le sens commun et les observations font ressortir de toute évidence,
que ce que l'on appelle l'individu "normal" est un phénomène
d'une telle complexité qu'il échappe pratiquement
à une analyse non fragmentée et non-élémentaliste.
Pour procéder à une telle analyse, il devint nécessaire
d'étudier les principales formes de réactions humaines
disponibles, telles que les mathématiques, les fondements
des mathématiques, de nombreuses branches de la science,
l'histoire, l'histoire des cultures, l'anthropologie, la philosophie,
la psychologie, la "logique", l'étude comparée
des religions etc. On découvrit qu'il était essentiel
de se concentrer sur l'étude de deux extrêmes parmi
les réactions psycho-logiques de l'homme: a) les réactions
les plus appropriées à cause de leurs exceptionnelles
caractéristiques de prévisibilité, de validité
et de potentiel constructif durable dans le processus de "time-binding",
réactions en l'occurrence telles que les mathématiques
et les fondements des mathématiques, la physique mathématique,
les sciences exactes, etc. qui sont des manifestations de certaines
des réactions psycho-logiques les plus profondes de
l'homme; et b) les réactions les moins appropriées,
telles qu'elles sont illustrées par les cas psychiatriques.
Durant ces investigations il devint évident que les méthodes
physico-mathématiques trouvent dans notre vie quotidienne
une application à tous les niveaux, unissant étroitement
la science, et particulièrement les sciences exactes, aux
problèmes de la santé "mentale" dans le
sens d'un ajustement aux "faits" et à la "réalité".
En fait, on découvrit que pour changer la structure linguistique
de notre système aristotélicien encore en vigueur,
les méthodes devaient être d'emblée extraites
des mathématiques. C'est donc par l'utilisation de procédés
extensionnels que la structure de notre langage fut transformée,
sans pour cela que le langage lui même en fût modifié.
Nous expliquons brièvement ceci un peu plus loin.
Lorsque les prémisses de cette nouvelle approche eurent
été formulées, je découvris de façon
inattendue qu'elles étaient, d'une part la négation
des vieilles "lois de la pensée", d'autre part
le fondement d'un système non-aristotélicien dont
j'ai appelé le modus operandi "General Semantics".
Les prémisses en sont très simples et peuvent être
formulées par le moyen d'une analogie:
1) Une carte n'est pas le territoire (les mots ne sont
pas les choses qu'ils représentent).
2) Une carte ne couvre pas tout le territoire (les mots
ne peuvent couvrir tout ce qu'ils représentent).
3) Une carte est auto-réflexive (dans le langage,
nous pouvons parler à propos du langage).
Ici nous constatons que les vieux postulats pré-scientifiques
violent les deux premières prémisses et négligent
la troisième (20, pp. 750 et suivantes; 24).
Il se trouve que la troisième prémisse est une application
dans notre vie quotidienne de l'oeuvre extrêmement importante
de Bertrand Russell qui s'est efforcé, par sa théorie
des types mathématiques ou logiques, de résoudre
les contradictions internes existant dans les fondements des mathématiques.
A ce propos, le terme auto-réflexif a été
introduit par Josiah Royce. La théorie des types mathématiques
me fit prendre conscience de nouvelles sortes de confusions linguistiques
auxquelles jusqu'à présent, excepté quelques
rares mathématiciens, pratiquement personne n'avait prêté
attention. La réalisation et l'analyse de ces difficultés
me conduisirent à la découverte suivante les principes
des différents ordres d'abstraction, le caractère
multiordinal des termes, les termes sur/sous définis, les
réactions d'ordre second (la "pensée"
à propos de la "pensée", le doute du doute,
la peur d'avoir peur, etc.), l'interaction thalamo-corticale,
le caractère circulaire de la connaissance humaine etc.,
tous ces facteurs peuvent être considérés
comme généralisant la théorie des types mathématiques.18
Le degré auquel nous sommes "conscients d'abstraire"
comprenant entre autres ce que nous avons dit ci-dessus,
devient un problème clé dans notre façon
d'évaluer et peut donc pour une large part affecter notre
manière de "percevoir". Si nous pouvions inventer
des méthodes pour augmenter notre "conscience d'abstraire",
nous réussirions éventuellement à nous libérer
des limitations archaïques, pré-scientifiques et/ou
aristotéliciennes inhérentes aux structures de langage
plus anciennes. Les expédients structuraux suivants, auxquels
j'ai recours pour atteindre ce but, sont ce que j'appelle les
procédés extensionnels et leur application
entraîne automatiquement une orientation en conformité
avec les plus récents postulats de la science.
Procédés extensionnels. 1) Les indices,
tels que x1, x2, x3,
xn; chaise1 chaise2,
chaise3,
chaisen; Dupont1,
Dupont2, Dupont3,... Dupontn,
etc. Le rôle des indices est de produire indéfiniment
un grand nombre de noms propres susceptibles de couvrir
la gamme infinie des individus ou situations uniques avec lesquels
nous avons à traiter dans la vie. Nous avons donc changé
un nom générique en un nom propre.
Si nous prenons l'habitude de cette indication numérique
et si elle devient partie intégrante de nos processus d'évaluation,
l'effet psychologique ainsi obtenu en sera remarquable. Nous deviendrons
conscients de ce que le gros de notre "pensée",
dans la vie quotidienne aussi bien que dans le domaine de la:
science, est de caractère hypothétique, et cette
réalisation de chaque instant nous rendra prudents dans
nos généralisations; ceci ne peut être aisément
communiqué dans les limites de la structure de langage
aristotélicienne. Un terme générique (tel
que "chaise") traite de classes et insiste sur les similarités,
en excluant partiellement, en faisant peu de cas ou en négligeant
les différences. L'utilisation des indices fait affleurer
au niveau conscient les différences individuelles et conduit
donc à des évaluations, voire à une "perception"
plus appropriée dans des circonstances données.
Les identifications pernicieuses qui découlent des vieilles
structures de langage seront souvent prévenues ou éliminées;
elles pourront être supplantées par des évaluations
plus flexibles fondées sur une orientation de probabilité
maximum.
2) Les indices-chaînes tels que dans chaise11,
(dans un grenier sec)chaise12 (dans une cave humide)...
chaise1n ;Dupont11 (dans des conditions
normales) ou, disons (par terre), Dupont12 (dans des
conditions de famine extrême) ou, disons (dans un avion
à très haute altitude). Les réactions de
Dupont, sont en de nombreux aspects totalement différentes
selon les différentes conditions.
Le rôle des indices-chaînes est de fournir une
technique pour l'introduction de facteurs, de conditions, de situations
etc., d'environnements. Au niveau humain seraient inclus les facteurs
psycho-logiques, socio-culturels, etc.
Dans un monde où une "cause" donnée produit
ou peut produire une multiplicité d'"effets",
chaque "effet" devient ou peut devenir une "cause"
et ainsi de suite indéfiniment. Par exemple, d'après
ce que la psychiatrie nous apprend, un seul événement
dans l'enfance d'un individu peut déterminer une série
de réactions-en-chaînes, colorant, voire
déformant ses réponses psycho-logiques ou même
psycho-somatiques pour le restant de sa vie. Les indices-chaînes
servent également de véhicules aux mécanismes
généraux des réactions-en-chaînes,
celles-ci n'opérant pas exclusivement dans le domaine
de la fission atomique, mais partout dans ce monde. Ce qui nous
intéresse particulièrement ici, c'est que ceci inclut
les processus organiques, les relations inter-personnelles
ainsi que les processus de "time-binding" comme
il l'a été énoncé dans la "théorie
de la spirale" de notre énergie de "time-binding"
(18, 1re éd., p. 232 et suivantes).
Les indices-chaînes ("l'indication numérique"
sans fin d'un indice) ne sont pas de nouveaux venus en mathématiques.
Ils ont été automatiquement utilisés, mais
pour autant que je sache, un modèle général
en vue de leur application dans la vie courante n'a pas été
formulé. Pour un exemple de leur utilisation dans le domaine
scientifique, voir "On the use of chain-indexing to
describe and analyze the complexities of a research problem in
bio-chemistry" ["De l'usage des indices-chaînes
pour la description et l'analyse des complexités d'un problème
de recherche en bio-chimie"] par Mortimer B. Lipsett
(30).
En résumé, nous vivons, pour le meilleur et pour
le pire, dans un monde de processus, un monde par conséquent
de réactions-en-chaînes "causes-effets";
il s'ensuit que nous avons besoin d'outils linguistiques pour
nous-mêmes et pour les autres afin de pouvoir manier
nos évaluations dans un tel monde. Il est possible que
la formulation d'un code linguistique des indices-chaînes,
puisse nous y aider.
3) Les dates: Dupont11920, Dupont11940,
Dupont11950, Dupont1t.
L'utilisation des dates nous situe dans un monde physico-mathématique
à quatre dimensions (au moins) d'espace-temps, un
monde dynamique et changeant, un monde de croissance, de décomposition,
de transformation, etc. Cependant les représentations des
processus peuvent être immobilisées à
un point quelconque à l'aide de moyens linguistiques pour
des besoins d'analyse, de clarté, de communication, etc.
Cette méthode nous fournit une technique qui nous permet
de manier des réalités dynamiques avec des moyens
statiques.
Ainsi, cela ferait probablement une bonne différence, si
nous voulions acheter une voiture, de savoir si le modèle
est de l'année 1930 ou 1950. En règle générale,
toutefois nous ne sommes pas pareillement conscients de "dater"
nos théories, nos croyances, etc., et pourtant il est "bien
connu" à quel point les dates affectent la science,
les théories, les livres, les différentes cultures
et coutumes, y compris les gens et toute existence.
Prenons un autre exemple. Si nous lisons le Manifeste Communiste
de Karl Marx et Frédéric Engels (31), nous trouvons
le mot "moderne" sur bien des pages. Nous avons une
propension à évaluer "moderne" comme signifiant
"1950", ce que font apparemment de nombreux lecteurs.
Personnellement, je suggère qu'a chaque fois que nous rencontrons
ce mot nous inscrivions en marge la date "1848". En
spécifiant la date de cette façon bien des arguments
deviendront désuets et par suite: périmés,
puisque nous vivons dans le monde de 1950, entièrement
différent de celui de 1848.
4) Etc.: L'utilisation de "etc." en tant qu'une
part de nos processus d'évaluation nous amène à
prendre conscience du nombre indéfiniment élevé
de facteurs qui entrent en jeu dans un processus dont nous ne
pouvons jamais avoir une connaissance ou une perception
totale; elle contribue à la flexibilité et
nous procure dans nos réactions sémantiques un degré
plus grand de conditionnalité. Ce procédé
nous entraîne à éviter le dogmatisme, l'absolutisme,
etc. Ceci nous rappelle la deuxième prémisse (une
carte ne couvre pas tout le territoire) et indirectement
la première (la carte n'est pas le territoire).
Incidemment, dans l'usage du "etc." nous trouvons la
clé de la solution de "l'infini" mathématique,
accompagnée d'importantes implications psycho-logiques
(21, chap. XIV).
5) Les guillemets: tels que pour "corps", "esprit",
"émotion", "intellect", etc. Ces guillemets
nous avertissent qu'il ne faut pas se fier aux termes élémentalistes
et métaphysiques et que des spéculations fondées
sur ces termes sont susceptibles d'apporter la confusion ou bien
sont dangereuses.
6) Le trait d'union: l'utilisation du trait d'union relie
linguistiquement les inter-relations complexes et empiriques
qui existent de fait en ce monde. Certaines implications structurales
des plus importantes représentant des progrès récents
dans les sciences et autres secteurs du savoir humain, utilisent
le trait d'union.
Par exemple, a) dans espace-temps le trait
d'union a révolutionné la physique, transformé
totalement notre vision du monde et a posé le fondement
des systèmes non-newtoniens; b) le trait d'union dans
psycho-biologique tranche vivement la différence
(comme personnellement je l'interprète) entre les animaux
et les hommes qui sont beaucoup plus complexes. Cette différentiation
est aussi à la base de l'actuel système non-aristotélicien
dans lequel "l'homme" considéré comme
un "time-binder"19 n'est pas seulement
un phénomène biologique, mais également psychobiologique.
c) Le trait d'union dans psycho-somatique transforme
lentement la compréhension et la: pratique médicales,
etc.; d) dans socio-culturel, il indique le besoin
d'une nouvelle anthropologie appliquée, d'une écologie
humaine, etc.; e) dans neuro-linguistique et neuro-sémantique,
le trait d'union relie nos réactions verbales à
nos processus neuro-physiologiques; f) dans organisme-comrne-un-tout-dans-un-environnement
il précise que même un "organisme-comme-un-tout"
ne peut exister sans environnement, et qu'envisagé dans
un "isolement absolu" il n'est qu'une fiction.
En ce qui concerne "psycho-biologique" et "psycho-somatique"
les pionniers de la recherche ont manqué de voir l'importance
du trait d'union et de ses implications. Ils ont employé
les deux termes comme un seul mot, d'où résulte
une représentation linguistique inexacte. Ils n'ont pas
réalisé que derrière l'apparente simplicité
d'un terme unique ils cachaient une extrême complexité
humaine. Ils partaient de l'hypothèse fausse et injustifiée
qu'un mot seul implique l'unité, par la même occasion
le public a été induit en erreur, car cette interprétation
erronée dissimule toutes les complexités inter-actives.
Implications Théoriques et Pratiques. La simplicité
des procédés extensionnels est trompeuse; leur simple
"compréhension intellectuelle" sans une intégration
dans nos processus vivants d'évaluations n'a aucun effet
quel qu'il soit. Il est nécessaire de procéder à
une recanalisation et à un réapprentissage de nos
méthodes d'évaluations coutumières, et cela,
c'est souvent très difficile pour les adultes bien que
comparativement aisé pour les enfants. La structure révisée
du langage comme nous l'expliquons brièvement ici, produit
des effets neuro-physiologiques car elle exige une
"pensée" en termes de "faits" ou de
processus de visualisation, avant de passer aux généralisations.
Cette manière d'agir a pour résultat un court délai
neurologique de réaction, ce qui facilite l'intégration
thalamo-corticale, etc.
Le vieille structure de langue aristotélicienne avec sa
forme sujet-prédicat, son élémentalisme,
etc., ne fit qu'entraver plutôt que susciter un fonctionnement
neuro-physiologique tellement désirable. Au contraire
elle conduisit à des spéculations verbales divorcées
des faits, provoquant la création éventuelle de
"personnalités dédoublées" et autres
sortes de réactions pathologiques.
Nous pourrions rappeler ici la déclaration si pertinente
de l'éminent mathématicien Hermann Weyl qui écrivait
dans "The Mathematical Way of Thinking" ["La méthode
de pensée mathématique"]: "En fait, la
première difficulté que rencontre l'homme de la
rue lorsqu'on lui enseigne à penser mathématiquement,
c'est de devoir apprendre à regarder les choses beaucoup
plus carrément en face; sa croyance dans les mots doit
être mise en pièces; il faut qu'il apprenne à
penser plus concrètement" (47)
Les personnes saines et normales, sans en être conscientes,
procèdent naturellement à des évaluations
en accord dans une certaine mesure avec les méthodes extensionnelles
et avec un certain "ordre naturel d'évaluation".
Toutefois la formulation structurale de ces questions et la révision
correspondante de notre vieille structure de langage rendent possible
leur analyse ainsi que leur enseignement, ce qui est d'une importance
capitale dans notre processus humain de "time-binding".
Jusqu'à présent de nombreux indices permettent de
penser que l'utilisation des procédés extensionnels
et même une "conscience d'abstraire" partielle
contiennent des possibilités quant à l'effort de
l'être humain dans son ensemble en vue de se comprendre
et de comprendre les autres. L'étendue de la révision
requise, si nous avons l'intention d'aller de l'avant à
partir des prémisses telles qu'elles ont été
énoncées précédemment, d'une façon
générale, n'est pas encore réalisée.
Nos vieilles habitudes d'évaluation incrustées depuis
des siècles, si ce n'est depuis des millénaires,
doivent être d'abord ré-évaluées
et remises à jour en accord avec les connaissances modernes.
De quelle manière une forme de représentation non-aristotélicienne
apporte-t-elle un changement dans nos processus d'évaluation
et produit-elle des modifications psychologiques profondes?
Nous avons vu comment la structure d'un langage détermine
souvent notre manière de voir le monde, les autres et nous
mêmes. Mes expériences et les expériences
de bien d'autres confirment que nous pouvons, et d'ailleurs le
faisons, évaluer des stimuli d'une façon différente
par suite de l'application des méthodes extensionnelles
non-aristotéliciennes.
Dans pratiquement tous les domaines de l'effort humain, des indications
suggèrent que des attitudes nouvelles, plus flexibles,
etc. peuvent être acquises, qui auront pour résultat
d'influencer les interrelations d'un individu donné avec
lui-même et avec les autres. La plupart de ces résultats
sont obtenus dans le domaine de l'éducation mais comprennent
des champs d'action aussi divers que la médecine psycho-somatique,
la psychiatrie, la psychothérapie, le droit, l'économie,
les affaires, l'architecture, les arts, etc., l'économie
politique, la politique, l'anthropologie sociale les troubles
de lecture, etc.
Les principes non-aristotéliciens ont été
utilisés par la Commission Navale du Sénat des E.U.
en connexion avec des problèmes nationaux d'extrême
importance tels que "Establishing a Research Board for National
Security" ["L'établissement d'un bureau de recherches
pour la sécurité nationale"]. (45, p. 6). "A
Scientific Evaluation of the proposal that the War and Navy Departments
be merged into a single Department of National Defense" ["Une
évaluation scientifique de la suggestion que les départements
de Terre et de Mer soient fusionnés dans un département
unique de Défense Nationale"], (46). "Training
of Officers for the Naval Service" ["L'entraînement
des officiers pour le service naval"], (42, pp. 55-57).
Pour autant que je sache, de nos jours, même sur certains
navires en service actif, le personnel suit un entraînement
dans certains principes de sémantique générale
(voir également 33, chap. I).
Une des caractéristiques principales des différences
dans l'orientation consiste en ce que la forme du langage aristotélicien
encourage l'évaluation "par définition"
(ou "intension") alors que l'orientation non-aristotélicienne
ou physico-mathématique entraîne l'évaluation
"par extension", en tenant compte des faits positifs
de chaque situation particulière à laquelle nous
avons à faire face.
Par exemple, certains médecins moins progressistes s'efforcent
encore de soigner "une maladie" et non pas le malade
qu'ils ont devant eux. Les troubles et les manifestations psychosomatiques
observés ou inférés au cours de l'étude
de son comportement, ou de sa fiche médicale, mettent en
jeu une multiplicité de facteurs individuels qu'aucune
définition possible du mot "maladie" ne couvre
entièrement. Heureusement, aujourd'hui, la majorité
des médecins s'efforcent de guérir le patient et
non pas "une maladie".
Dans son article sur "The Problem of Stuttering" ["Le
problème du bégaiement"], le professeur Wendell
Johnson (13) parle de l'importance du diagnostic dans le cas d'un
enfant considéré "bègue":
Ayant catalogué l'enfant comme "bègue"
(ou l'équivalent) ils réagissent de moins en moins
à l'enfant et de plus en plus à cette étiquette
qu'ils lui ont appliquée. En dépit de la preuve
réellement décisive du contraire ils présupposent
que l'enfant, ou bien ne peut ou bien n'a pas appris à
parler. Ils se mettent donc à l'oeuvre pour l'"aider"
à parler
Et quand, "malgré toute leur
assistance", l'enfant "bégaie plus que jamais",
ils s'inquiètent de plus en plus.... Parmi les pathologistes
du langage la cause la plus probable du bégaiement a été
et est toujours un grand sujet de controverses.... Mais personne
en dehors de la sémantique générale n'a suggéré
que le diagnostic du bégaiement en est une des causes,
et cela, probablement parce que personne, en dehors de la sémantique
générale, n'a paru réaliser à quel
point deux personnes qui parlent du "bégaiement"
peuvent être en désaccord sur ce dont elles parlent,
et en même temps l'influencer. Le principe de l'incertitude,
qui exprime l'effet de l'observateur sur ce qu'il observe, peut
être prolongé jusqu'à inclure l'effet de celui
qui parle sur ce qu'il nomme (pp. 189-93).20
Des changements dans les attitudes, dans nos façons
d'évaluer, impliquent intimement des "processus perceptuels"
à différents niveaux. Il est essentiel de nous rendre
conscients de nos présuppositions inconscientes;
ceci est englobé dans toute psychothérapie et
devrait faire partie de l'éducation en général.
A ce propos, les travaux extrêmement importants et pertinents
du docteur Adelbert Ames, Jr. à l'Institut de Hanovre et
à l'Université de Princeton, etc., sont très
utiles pour provoquer cette prise de conscience. Par exemple,
le Docteur J. S. A. Bois (4), psychologue à Montréal
et ex-président de l'Association Canadienne de Psychologie,
dans son rapport sur "Executive Training and General Semantics"
["La formation des cadres et la sémantique générale"]
écrit au sujet de sa classe composée de sept hommes
détenant les postes clés d'une entreprise industrielle,
groupe qu'il avait pris en main pour un entraînement de
base en méthodologie non-aristotélicienne:
J'entrepris de déséquilibrer leur assurance
en eux-mêmes en leur démontrant que nos perceptions
sensorielles sont sujettes à caution
Nous finîmes
par accepter le fait que le monde perçu par chacun d'entre
nous n'est pas un monde "objectif" d'événements,
mais un monde '"subjectif" d'événements-significations.
Ils étaient tout à fait disposés
à accepter ces nouvelles optiques, mais je sentis qu'il
fallait les rendre conscients du fait que "comprendre"
certains principes et les accepter '"intellectuellement"
n'est pas suffisant. Il est impérieux de changer nos méthodes
habituelles de penser et cela n'est pas si facile qu'il le parait.
Pour bien leur enfoncer cela dans la tête, je leur expliquai
le système de numération senaire et leur donnai
quelques devoirs à faire à la maison: une table
de multiplication, de longues additions, des soustractions, multiplications
et divisions. Le jour suivant, ils s'étaient rendus compte
qu'il est ennuyeux, irritant et assez difficile de passer d'une
méthode de penser à une autre. Ils réalisèrent
que tenir une comptabilité en utilisant le système
senaire représenterait une révolution au bureau
et à l'usine, exigerait de nouveaux organes dans les machines
à calculer, etc., etc. Je sentis que la mise en scène
était au point pour la partie centrale de mon cours
Il est impossible d'évaluer quantitativement le succès
ou l'échec d'un cours de cette sorte. Le fait que ce groupe
de chefs voulaient le faire suivre par leurs subordonnés
immédiats, indique déjà qu'ils le trouvèrent
utile.21
Bois rapporte plus loin qu'ils effectuèrent leurs propres
évaluations en termes d'efficacité croissante, de
maturité et de contrôle "émotionnel"
améliorés, de meilleures techniques de communication
entre eux-mêmes et avec leurs subordonnés, etc.
A la Northwestern University, des observations faites par Liston
Tatum, sur un groupe dont le comportement devait se conformer
à un plan préétabli, suggèrent que
lorsque des individus sont obligés de suivre "l'ordre
naturel d'évaluation", (c'est-à-dire
d'abord évaluer des faits, ensuite généraliser)
ils se parlent entre eux de façon différente (43).
L'effet du langage sur nos évaluations visuelles est illustré
dans une étude communiquée par L. Carmichael, H.
P. Hogan et A. A. Walter (5, p. 74-82) intitulée:
"An Experimental Study of the Effect of Language on the Reproduction
of Visually Perceived Form" ["Une étude expérimentale
de l'effet du langage sur la reproduction de la forme perçue
visuellement"]. Le but était de chercher à
savoir si, lorsqu'un ensemble de douze figures était présenté
avec un nom assigné à chacune d'elles, la reproduction
des formes visuelles en était affectée. Les sujets,
après les avoir vues, devaient reproduire les figures aussi
précisément que possible. Les mêmes images
visuelles étaient présentées à tous
les sujets, mais elles portaient des noms différents pour
chaque différent groupe. Par exemple: un haricot blanc Dans ses cours de sémantique générale à
la Northwestern University, le professeur Irving Lee a expérimenté
sur ses étudiants les procédés ci-dessus.
Il rapporte (dans une communication personnelle qu'il m'a faite)
que jusqu'à présent ses étudiants ne réagissent
pas comme les sujets de l'expérience citée
plus haut, mais qu'ils "dessinent des figures en étant
de loin moins influencés par les noms qui leur ont été
donnés."
Au sujet de son enseignement de la méthodologie non-aristotélicienne
à l'usage de la police, Lee a écrit un rapport préliminaire
portant sur une étude pilote de trois ans et concernant
140 policiers, allant du gardien de la paix aux officiers de police,
qui suivaient le Cours d'Administration de Police à la
Northwestern University Traffic Institute (27). Basés sur
les rapports des instructeurs, les interviews et les informations
obtenues en interrogeant un certain pourcentage de ces étudiants
à l'issue du cours, écrit Lee, les résultats
indiquent qu'après avoir été conseillés
sur les processus à capacité extensionnelle, les
policiers se sont vus eux-mêmes et ont envisagé
leur travail à l'institut sous un jour tout à fait
différent.
Les psychologues et les autres seront peut-être intéressés
par la communication suivante; cette communication fournit des
éléments d'informations préliminaires qui
suggèrent de nouveaux champs d'investigation dans le domaine
de la criminologie, le développement de la personnalité,
etc. Le Dr. Douglas M. Kelley, professeur de criminologie à
l'Université de Californie à Berkeley, m'a écrit
récemment:
Je m'occupe en ce moment de l'introduction de la
sémantique générale dans le domaine de l'interrogatoire,
et celui du développement de la personnalité. Le
premier domaine fait l'objet d'un cours valant trois "units"22
que je donne sur la détection du mensonge; pour commencer
il y a approximativement un trimestre de pure sémantique
générale, qui débute par un débat
sur la futilité des mots dans la communication, pour aboutir
droit aux différents procédés extensionnels.
La seconde moitié du cours comprend, illustrée par
différents types de détecteurs de mensonge, la relation
émotionnelle des mots et la rédaction de rapports
où de nouveau les problèmes de multiordinalité,
etc., sont traités extensivement. Une revue de toute la
littérature existante nous fait constater une absence totale
d'informations dans ce domaine; cette approche, purement fondée
sur vos travaux, permet de dégager une notion entièrement
nouvelle; elle ouvre le champ à des techniques d'interrogatoire
ainsi qu'à des horizons inconnus jusqu'à présent.
A la suite d'entretiens poursuivis avec un certain nombre d'officiers
de police, j'ai le sentiment que cette approche produira un des
résultats les plus appréciables que l'on puisse
obtenir par l'application de la sémantique générale.
J'ajoute que j'enseigne la même matière aux forces
de Police de Berkeley.
Dans mon cours sur les aspects psychiatriques de
la criminologie, de nombreux débats fondés sur vos
travaux sont inclus servant de méthode pour nous faire
voir pourquoi et comment les individus se conduisent comme des
êtres humains et ce qu'il est possible de faire à
ce sujet. Les étudiants sont tous enclins de la manière
la plus favorable à adopter l'orientation de la sémantique
générale et j'espère, d'ici un an ou deux,
avoir élaboré un véritable programme de travail.23
Kelley,24 sur le théâtre des opérations
en Europe durant la seconde guerre mondiale, appliqua les principes
de base de la méthodologie non-aristotélicienne
à plus de sept mille cas. Le rapport qu'il en fit constitue
le sujet de son article "The Use of General Sernantics and
Korzybskian Principles as an Extensional Method of Group Psychotherapy
in Traumatic Neuroses" ["L'utilisation de la sémantique
générale et des principes korzybskiens comme méthode
extensionnelle de la psychothérapie de groupe dans les
cas de névroses traumatiques"] (15). Ces principes
furent appliqués (sous forme de thérapie individuelle
et de thérapie de groupe) à chaque niveau de traitement
depuis le front lui-même jusqu'au plus arrière
des lignes, dans les postes de secours de l'avant, dans les centres
de repos et les hôpitaux généraux. "Qu'ils
furent employés avec succès est démontré
par le fait que sur le théâtre européen des
opérations les évacuations effectuées pour
raison psychiatrique furent réduites au minimum,"
affirme le Dr. Kelley (16, pp. vi-vii). "[Les] autres
techniques ont évidemment une certaine valeur mais ces
deux simple procédés [l'indication numérique
et l'utilisation des dates] se sont révélés
remarquablement efficaces pour ce type de réaction neurotique"
(15, p. 7).
L'indication numérique et l'utilisation des dates sont
les principaux procédés par lesquels la structure
de notre langage est rendue similaire à celle du monde.
Un exemple de leur effet peut être observé dans les
réactions d'un ancien combattant de la guerre du Pacifique.
Cet homme était un des élèves du professeur
Elwood Murray à l'Université de Denver. Me référant
au dossier du vétéran, je cite:
Un exemple de pure identification est révélé
dans le dégoût de ce vétéran pour le
riz. Sa première vision d'un ennemi mort fut celle d'un
soldat japonais dont le cadavre était en état de
décomposition. Le sac de riz qu'avait porté ce soldat,
s'était déchiré et des grains de riz, répandus
sur son corps, se trouvaient mélangés avec des vers.
Encore jusqu'à présent, lorsque le vétéran
voit du riz, la scène décrite plus haut est revécue
avec intensité et il voit en imagination les grains de
riz se déplacer dans son assiette. Pour surmonter sa répulsion,
il a mangé du riz à plusieurs reprises en s'efforçant
de se rappeler que le riz dans son assiette est différent
de celui qui était sur le corps du Japonais. Quoiqu'il
n'en mange pas avec plaisir, il a réussi à surmonter
son réflexe de nausée à la vue du riz (19,
p. 262).
Ces mécanismes d'évaluation ou de "perception"
des similarités d'une part, de négligence
ou de prise de conscience incomplète des différences
d'autre part, sont potentiellement présents dans chacun
d'entre nous, mais, d'habitude, pas à des degrés
si extrêmes. Ils impliquent l'absence de différenciation
entre les niveaux silencieux et verbaux ainsi que la non-conscience
de nos processus d'abstraction. Les différents ordres d'abstraction
sont identifiés, une inférence est évaluée
comme si elle était une description, une description
comme si elle était l'"objet" non verbal
construit par notre système nerveux, et un "objet"
comme s'il était le processus non verbal sub-microscopique
et dynamique.
Dans nos travaux non-aristotéliciens, nous traitons à
peine, si toutefois nous en traitons, des "perceptions",
en tant que telles. Toutefois étant donné que nos
attitudes sont inévitablement embringuées avec nos
"perceptions", il semblerait que l'étude de la
structure du langage devient en effet pertinente.
Un grand nombre de travaux ont été entrepris et
sont encore poursuivis avec acharnement pour résoudre le
problème des préjugés. L'analyse nous montre
que les mécanismes des préjugés comprennent
des identifications des niveaux verbaux avec des niveaux non-verbaux.
Ceci veut dire qu'un individu ou un groupe est évalué
en fonction de son étiquette et non en fonction des faits
extensionnels (26, pp. 17-28; 28). Dans une discussion
des mécanismes du préjugé et dans un rapport
sur son enseignement de la sémantique générale
adressé à environ six cents personnes, rapport dans
lequel il mettait en évidence, d'une part la confusion
entre l'observation et les énoncés inférentiels,
et d'autre part le fait de réagir aux étiquettes
comme si elles désignaient plus que des aspects, etc.,
Lee expose une de ses découvertes de la façon suivante:
Les professeurs ont mentionné dans leur rapport
une réduction très appréciable des tensions
lorsque les étudiants en vinrent à appliquer ce
qu'ils avaient entendu aux divergences d'opinions proférées
durant les débats. Les questions "pourrait-on
désigner cela autrement?" "est-ce une inférence?"
"est-ce que c'est cela que l'on peut observer?"
posées à un élève qui avait fait une
déclaration péremptoire, créa dans l'assistance
une sorte d'atmosphère de jeu. Un exemple typique entre
beaucoup d'autres se produisit au cours d'une discussion qui avait
pour sujet ce que les gens ont coutume de dire à propos
des noirs. Deux des participants les plus véhéments
dans leurs affirmations que "les noirs ne tireront aucun
avantage de l'éducation même si elle leur est rendue
accessible" furent amenés à examiner leurs
assertions sans faire preuve de l'antagonisme qui surgit des habituels
débats pour et contre (28, p. 32).
Il est particulièrement intéressant de réfléchir
sur les méthodes des illusionnistes qui, dans le seul but
de divertir, ont superbement développé leur art,
on peut même dire leur science. Leurs méthodes magiques
font cependant preuve d'une profonde psychologie fondamentale
de la duperie, de l'auto-mystification et de la suggestion
trompeuse. Ils possèdent leur propre littérature,
d'une si grande importance pour la psychologie, la psychiatrie
et la vie quotidienne.
J'extrais de la communication du Dr. Douglas Kelley25
intitulée "The Psycho-logical Basis of Misdirection:
an Extensional Non-aristotelian Method for Prevention of
Self-deception" ["La base psycho-logique de
la més-indication: une méthode extensionnelle
non-aristotélicienne pour la prévention de l'auto-mystification"].
(14, pp. 53-60):
Alors que l'artiste en pratiquant ses tours de passe-passe
n'hypnotise jamais son auditoire, pas même aux Indes, il
obtient pratiquement les mêmes résultats par son
habileté à créer des illusions et cela en
déviant dans une fausse direction les expectatives et les
présuppositions de son auditoire. Par ce stratagème
il peut faire que son public manque de voir ce qui est devant
ses propres yeux, ou encore qu'il voie ce qui n'y est pas (p.
53)
La croyance générale bien qu'inconsciente
dans les trois "lois de la pensée" aristotéliciennes
joue un rôle de la plus haute importance dans le succès
de ces més-indications puisqu'il existe une tendance
générale de nos réactions à se conformer
à ces "lois".
Par exemple, le Dr. Kelley explique:
Supposons un chapeau truqué avec un double
fond; à l'aide du revêtement intérieur camouflé,
il peut être présenté à l'assistance
comme un chapeau apparemment vide. Si alors il est secoué
négligemment dans tous les sens, on est convaincu qu'il
est vide dès lors que rien ne s'en échappe. Puisque,
conformément à "la loi" bivalente "du
tiers exclu", une chose existante possède certaines
"propriétés" ou ne les possède
pas, et puisque, en accord avec cette loi, la plupart des gens
s'attendent à voir des objets s'ils sont présents
dans un chapeau et à les voir tomber lorsqu'on le renverse,
ils sont facilement dupés par la més-indication
qui leur est suggérée et sont en conséquence
incapables de prédire l'apparition du lapin que l'illusionniste
tirera éventuellement de son chapeau (p. 57).
Les illusionnistes constatent d'ailleurs que les enfants sont
beaucoup plus difficiles à mystifier que les adultes étant
donné que les implications structurelles de notre langage
n'ont pas encore limité à un tel degré leur
capacité de "percevoir".
Scientifiquement, il est connu que les niveaux sub-microscopiques
ne sont pas "perceptibles" ou "perceptuels".
Nous ne percevons pas et ne pouvons percevoir "l'électron"
mais nous observons positivement les résultats des "processus
électroniques" éventuels. Ceci veut dire que
nous observons les "effets" et présumons les
"causes". En d'autres termes, comme il est expliqué
plus haut, notre connaissance sub-microscopique présente
un caractère hypothétique. Le monde se comporte
comme si ses mécanismes étaient précisément
tels que nos abstractions les plus élevées nous
conduisent à les croire et nous continuerons à inventer
des théories avec leurs terminologies appropriées
pour rendre compte des mécanismes intrinsèques
du monde dans lequel nous vivons, nous-mêmes y compris.
Nous projetons dans la nature nos propres abstractions, les plus
récentes et les plus élevées, fermant ainsi
la boucle de la circularité inhérente à la
connaissance humaine sans laquelle notre compréhension
de la nature est impossible.
Compte tenu de ce qui a été expliqué dans
la première partie de ce chapitre (pages 3-6), et
assistés par les méthodes et procédés
extensionnels, nous devons arriver à la conclusion que
la connaissance par inférence offre souvent beaucoup plus
de garantie à une date donnée, après vérification,
que les "données sensorielles" originales
qui nous ont historiquement servi de point de départ et
se sont trouvées en défaut.
Dans l'activité scientifique, les données par inférence
doivent converger. Si elles ne le font pas, nous devons généralement
réviser nos théories. Il est bien connu que lorsqu'un
nouveau facteur est découvert nos généralisations
antérieures doivent être remises en question dans
l'intérêt de l'intégration de notre connaissance
(21, p. xxviii et suivantes).
Nos inférences en tant qu'abstractions à d'autres
niveaux que les "données sensorielles" peuvent
également se situer à des ordres d'abstraction inférieurs
ou plus élevés. La structure de notre savoir récent
est telle que nous projetons dans, ou sur les niveaux silencieux
sub-microscopiques du processus, les plus hautes abstractions
jamais atteintes par l'homme, nos hypothèses, nos inférences,
etc.
Il en découle que la totalité de notre connaissance
fondamentale la plus profonde doit être et ne peut être
autre qu'hypothétique; en effet, ce que nous voyons, entendons,
sentons, ce dont nous parlons ou ce que nous inférons n'est
jamais ça, mais seulement le résultat de
nos abstractions humaines à propos de "ça".
Décider sous quelle forme linguistique notre connaissance
inférentielle sera modelée acquiert donc une importance
exceptionnelle. Comme Edward Sapir l'a exprimé: "Si
nous voyons, entendons et éprouvons en général
dans une très grande mesure comme nous le faisons c'est
parce que les habitudes linguistiques de notre communauté
nous prédisposent à certains choix d'interprétation"
(41, p. 245).
Il se fait que ce processus circulaire de nos systèmes
nerveux en interaction avec les environnements est un "système
de feedback", terme des plus heureux introduit récemment
et qui dépeint très exactement la situation. Selon
Lawrence Frank (10):
Nous déplaçons notre foyer d'intérêt
en partant d'entités statiques pour aboutir à des
processus dynamiques et à l'ordre des événements
comme il est vu dans un contexte ou un champ d'activité
où des inter-réactions et des processus circulaires
sont en opération
Le concept des mécanismes
téléologiques bien qu'il puisse être exprimé
en termes différents, peut être considéré
comme un effort d'une part, pour échapper à ces
formulations mécanistes plus anciennes qui paraissent maintenant
inadéquates et d'autre part, pour nous pourvoir de conceptions
neuves et plus fructueuses, de méthodologies plus efficaces
pour l'étude des processus d'auto-régulation,
de systèmes et organismes d'auto-orientation, et de
personnalités auto-directrices
. C'est ainsi
que les termes feedback, servo-mécanismes, systèmes
circulaires et processus circulaires, peuvent être
considérés comme des expressions différentes
mais équivalentes d'une conception de base très
sensiblement la même (10, pp. 190, 191).26
Les mécanismes de "feedback" ont été
amenés à leur point culminant chez les êtres
humains, et le processus de "time-binding" lui-même
peut être considéré comme un phénomène
unique et sans précédent de feedbacks organiques
en spirale.
Dans la "théorie de la spirale" exponentielle
développée dans mon livre "Manhood of Humanity"
(18, p. 232 et suivantes) il saute aux yeux que notre capacité
de "time-binding" est fondée sur des mécanismes
de feedback, de réactions en chaînes, sans lesquelles
les hommes en tant qu'êtres humains ne pourraient exister.
La nouvelle compréhension de l'homme en tant que classe
de vie "time-binding" libérée des
vieux postulats paralysants mythologiques ou zoologiques, constitue
une des plaques tournantes sur laquelle est engagée une
nouvelle évaluation du rôle unique des êtres
humains dans ce monde. Elle encourage et garantit une meilleure
compréhension de nous-mêmes, non seulement en relation
avec le monde, mais également en relation avec nous-mêmes.
Je crois qu'il est essentiel de commencer par une formulation
fonctionnelle entièrement neuve, avec les implications
que celle-ci contient pour une étude de "l'homme"
envisagé sous l'aspect d'"un organisme-comme-un-tout-dans-un-environnement"
y compris nos environnements neuro-sémantiques et
neuro-linguistiques en tant qu'environnements.
En conclusion, je ne trouve rien de plus approprié pour
une récapitulation que de citer les passages ci-dessous
qui expriment de façon si belle et si profonde le fondement
de la connaissance hum aine.
C'est Cassius J. Keyser qui a dit:
car, une fois ce fait mis en évidence,
il est manifeste que le caractère de l'histoire humaine,
le caractère du comportement humain, et celui de toutes
nos institutions humaines, dépendent à la fois de
ce que l'homme est, et dans une mesure égale ou
plus grande de ce que nous, humains, pensons que l'homme
est (17, p. 424).27
Cette caractéristique de la vie humaine à laquelle
on ne peut échapper à été formulée
différemment, mais avec tout autant de justesse, par le
Dr. Alexis Carrel:
Pour progresser à nouveau, l'homme doit se
refaire lui-même. Et il ne peut se refaire lui-même
sans souffrir. Car il est à la fois le marbre et le sculpteur
(6, p. 274).
Arthur S. Eddington, lui, s'exprime en d'autres mots:
Et cependant en ce qui concerne la nature des choses,
cette connaissance n'est qu'une coquille vide-une forme de symboles.
Connaissance de !a forme structurale et non connaissance du contenu.
A travers tout le monde physique circule ce contenu mystérieux,
qui sûrement doit être la matière même
de notre conscience. Ici une lueur apparaît qui fait soupçonner
des aspects profondément enfouis dans le monde de la physique
et cependant impossible à atteindre par les méthodes
de la physique. Plus encore, nous avons découvert que là
où la science avait progressé le plus loin, l'esprit
n'avait fait que retrouver dans la nature ce que l'esprit y avait
mis.
Nous avons trouvé une étrange empreinte
sur les rivages de l'inconnu. L'une après l'autre, nous
avons élaboré de profondes théories, pour
rendre compte de son origine. Finalement, nous avons réussi
à reconstituer la créature qui a déposé
cette empreinte. Et voilà! c'était la nôtre
(9, p. 200).28
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ETC. 4. 224-225 (Spring 1947).
40. General Semantics, in THE AMERICAN PEOPLES ENCYCLOPEDIA,
9. 357-362. Chicago: The Spencer Press, 1948. Published
in French as "La Sémantique Générale."
Ed. Severen Schaeffer. Institute of General Semantics. 1964.
41. "Author's Note," [on the confusion
of semantics and general semantics], SELECTIONS FROM SCIENCE AND
SANITY. Lakeville, Conn.: International Non-aristotelian
Library Publishing Company, 1948, Institute of General Semantics,
Distributors, xvi, 274 pp. Photo-offset reproduction of passages
from SCIENCE AND SANITY, compiled and arranged by Guthrie E. Janssen.
Original page numbers in SCIENCE AND SANITY are marginally supplied
throughout, and new page-headings added. This "Note"
is also included in second edition of MANHOOD OF HUMANITY (q.v.).
Also separately printed in pamphiet with the "Note to Teachers
and Group Leaders" by G. E. Janssen for distribution to "Members
of the Institute," December 1948. 16 pp.
42. 'Preface to the Third Edition 1948, SCIENCE AND
SANITY (q.v.), v-ix Also separately printed with other front
matter, Institute of General Semantics, Distributors.
43. "General Semantics," AMERICAN JOURNAL
OF PSYCHIATRY, 105. 872-873 (May 1949).
[Abridgement of remarks made by Alfred Korzybski
at a luncheon in his honor at Yale Graduate Club, New Haven, Connecticutj
January 31, 1949.] For unabridged remarks see "On General
Semantics and Physico-Mathematical Method, GENERAL SEMANT
CS BULLETIN nos. 14 & 15, pp. 57, 58, Institute of General
Semantics, 1954.
44. TIME-BlNDlNG: THE GENERAL THEORY. Two PAPERS,
1924-1926. Lakeville, Conn.: Institute of General Semantics,
1949. [Paper-bound 96 pp., "Foreword" by M. Kendig
and Charlotte Schuchardt. The two papers reproduced by photo-offset.
See nos. 4 and 5.]
45. "What I Believe," Lakeville, Conn.:
Institute of General Semantics, 1949. Pamphlet, 13 pp. [Originally
written in 1948 in response to an invitation from Mr. Krishna
Mangesh Talgeri, New Delhi, India, to contribute to a symposium
entitled, THE FAITH I LIVE BY. See listing MANHOOD OF HUMANITY,
above.
46. "Semantica General," EPISTEME (Asociacion
Argentina de Epistemologia), 111, 7. 264-275 (Diciembre de
1949). See no. 38.
47 "The Role of Language in the Perceptual Processes."
Chapter 7 in PERCEPTION: AN APPROACH TO PERSONALITY, Robert Blake
and Glenn Ramsey, editors, New York: Ronald Press, 1951. Published
in French as "Le Role du Langage dans les Processus Perceptuels."
Translated by Yuri. International Non-aristotelian Library
Publishing Company, New York, 1966.
1914 S'engage comme volontaire dans la 2ème
armée russe durant la lère guerre mondiale,
est attaché à l'état-major du service
des renseignements.
1915 Est envoyé au Canada et aux E.U.A. en tant qu'expert
d'artillerie de l'armée russe.
Devient officier de recrutement pour 'armée franco polonaise
aux E.U.A.
Conférencier pour le compte du gouvernement américain.
Etc.
1921 Manhood of Humanity: The Science and Art of Human Engineering
est publié par E. P. Dutton, New York (E.U.A.).
1924 Time-Binding: The General Theory est publié.
1926 Time-Binding. The General Theory, le deuxième
article est publié
1933 Science and Sanity: An Introduction to Non-Aristotelian
Systems and General Semantics est publié par International
Non-Aristotelian Library Publishing Company, New York (E.U.A.).
1938 Organise et devient directeur de l'Institut de la Sémantique
Générale à Chicago, Illinois (E.U.A.).
1946 Transfère l'Institut de Sémantique Générale
à Lakeville, Connecticut (E.U.A.)
1950 Décédé à Sharon, Connecticut
(E.U.A.).
2 - Sur l'utilisation particulière du trait d'union et autres
symboles de ponctuation en tant que "procédés extensionnels" voir
pages 28-29.
3 - "Time-binding": la capacité de condenser, digérer et
utiliser les expériences et les réalisations accumulées par les
générations précédentes pour leur développement dans le temps
actuel et leur transmission aux générations à venir.
4 - Par autorisation de Princeton University Press.
5 - Les chiffres arabes renvoyant aux pages de Science and
Sanity de Korzybski sont corrects pour toutes les éditions.
Les renvois en chiffres romains servent pour la troisième édition.
6 - Par autorisation de Yale University Press et Mme Toni Cassirer.
7 - En ce qui concerne les recherches appuyant cette théorie,
voir Science et Sanité de Korzybski.
8 - Par autorisation de Journal of Philosophy et de l'auteur.
9 - Parmi les documents traitant de ce sujet nous avons (25)
et d'autres travaux de Dorothy D. Lee, également (44).
10 - La note qui suit a été fournie par Mademoiselle Schuchardt:
"Pour plus de clarté il serait peut être utile d'élaborer brièvement
sur certaines des optiques de Korzybski concernant les types
primitifs d'orientation et son emploi du terme 'primitif', tels
que personnellement je les interprète. Pour ma part, il me semble
que Korzybski se réfère à certains niveaux complexes de
développement, socio-culturels, psycho-logico-linguistiques, etc.,
et aux orientations concomitantes que l'on rencontre dans
différentes régions du globe. Si l'on considère notre classe
humaine de vie comme un tout, nous pouvons assumer que les
développements partant d'orientations 'primitives' vers des
types d'orientation plus avancés 'pré-scientifiques', pour
aboutir aux orientations 'scientifiques 1950', se sont
accomplis par degrés ici et là, non pas d'une façon linéaire,
mais plutôt en spirale, conformément à notre compréhension
de nous-mêmes et de nos environnements (voir pages 39-40).
En règle générale, les développements d'une culture
particulière se trouvèrent éventuellement confondus avec
les transformations d'autres cultures et entramés avec elles.
11 - Par autorisation de Harcourt, Brace & Co., Inc.
12 - Extrait de Processus et réalité par A. N. Whitehead.
Copyright 1929 Macmillan Co. Par autorisation de Macmillan Co. et Mme A. N. Whitehead.
13 - Par autorisation de Cambridge University Press et T. North Whitehead.
14 - Extrait de The Technology Review, avril 1941, édité au
Massachusetts Institute of Technology.
15 - Pour des raisons linguistiques, le texte anglais n'est pas
indiqué pour servir d'exemple en français.
16 - Célèbre marque de farine à crêpe. Sur la boîte un
portrait représente une noire qui s'appelle Tante Jemima. (N.d.T.)
17 - Pour la signification de la date en petits caractères voir pp. 27-28.
18 - En connexion avec ceci voir le texte suivant extrait de
l'article de Korzybski sur Time-binding: The General Theory
[Time-binding: la theorie générale] (1926): "Durant mes recherches
personnelles je rencontrai certaines difficultés qui me mirent
dans la position ou de les résoudre ou d'abandonner. Ma solution
se trouve dans la théorie générale et le differentiel structurel.
Il se trouve que cette théorie couvre celle des types mathématiques
inventée par Russell.... Depuis bien longtemps je connaissais la
théorie des types… Je ne pouvais pas l'accepter parce qu'elle
n'est pas assez générale et ne s'emboîte pas dans mon système;
en ce qui concernait mon travail il me fallait l'écarter. La
méthode scientifique me mena automatiquement à la solution de
mes difficultés; et peut être personne ne fut plus surpris ni
plus heureux que moi lorsque je découvris que la theorie générale
embrasse la théorie des types” (22, second papier, p. 7).
19 - Celui qui possède ou se sert de la capacité "time-binding",
voir p. 6, renvoi.
20 - Par autorisation de M. Kendig, éditeur, Papers From the
Second American Congress on General Semantics [Communications
provenant du second congrès américain de sémantique
générale (Lakeville, Connecticut, Institut de la Sémantique
Générale, 1943), et par autorisation de 1'auteur.
21 - Par autorisation de J. S. A. Bois.
22 - Cours valant 3 points — système d'enseignement U.S.A.
23 - Par autorisation de Douglas M. Kelley, M.D.
24 - Pendant la guerre le Docteur Kelley fut consultant
en chef en psychologie clinique et assistant de consultant
en psychiatrie sur le théâtre européen des opérations; il
fut également chef psychiâtre ayant en charge les
prisonniers de Nuremberg.
25 - Par autorisation de M. Kendig, éditeur communications
provenant du second congrès américain de sémantique générale
(Lakeville, Connecticut: Institut de sémantique générale, 1943)
et par autorisation de 1'auteur.
26 - Par autorisation de Annals of the New York Academy of
Sciences et par autorisation de l'auteur.
27 - Par autorisation de Mme C. J. Keyser.
28 - Par autorisation de Cambridge University Press.
Systèmes de Langage Aristotéliciens et
Non-Aristotéliciens
canoë. Les résultats indiquèrent que "cette
expérience tend à confirmer les observations faites
au cours des recherches effectuées antérieurement
dans ce domaine; elle montre aussi que, dans une certaine mesure
au moins, la reproduction des formes peut être déterminée
par la nature des mots présentés aux sujets oralement
au moment où ceux-ci perçoivent des formes
visuelles spécifiques pour la première fois."
La Circularité de la Connaissance Humaine
Bibliographie
Additional Readings
Bibliographie des ouvrages d'Alfred Korzybski
Informations Bingraphiques Concernant
Alfred Habdank Skarbek Korzybski
1 - Alfred Korzybski est décédé le ler mars 1950 tandis qu'il mettait
la dernière main à la révision de ce papier en vue de sa publication.
Mademoiselle Charlotte Schuchardt, sa secrétaire de rédaction, a fait
dans une lettre la déclaration suivante en ce qui concerne la forme
définitive du manuscrit: "Il faudrait préciser que Korzybski n'en a
pas achevé la révision finale. Le travail d'édition que j'ai fait
après sa mort n'a été que mineur et je suis reconnaissante envers
certains membres de la direction de l'lnstitut pour leur assistance.
Toutefois je dois prendre sur moi, d'une part la responsabilité
de ma légère révision et surtout celle, d'autre part, de n'avoir
pas entrepris les corrections de rédaction que Korzybski aurait
pu faire".
"Le lecteur est prié de se référer à (18) où
pour la première fois Korzybski formulait sa nouvelle définition
des êtres humains en tant que 'classe de vie time-binding' unique en
ceci que chaque génération peut (en potentiel) reprendre
le progrès évolutif là où la précédente l'a laissé. Ce
processus peut être handicapé ou étouffé de nombreuses manières.
Korzybski a déclaré dans un autre contexte que 'La compréhension
par l'homme du time-binding tel qu'il est expliqué ici établit
les bases déductives pour une "science de l'homme" pleinement
développée où les deux méthodes, inductive et déductive,
sont utilisées.... Il m'a fallu inclure dans les
environnements les environnements neuro-linguistiques et
neuro-sémantiques (évaluationnels); j'ai dû aussi considérer
les conditions géographiques, physico-chimiques, économiques,
politiques, écologiques socio-culturelles, etc., comme
facteurs qui façonnent les personnalités humaines et par
conséquent, même le comportement de groupe' (23)
"Jusqu'à présent les ordres d'abstraction les plus élevés
atteints par l'homme et ceux qui donnent le degré de
prédictabilité le plus haut peuvent être observés dans
les formes de représentation mathématiques (comme par
exemple, le calcul tensoriel). Amener les potentialités
constructives de l'homme dans ses activités éthiques,
socio-économiques, etc., à leur expression plus complète
et de cette façon marcher de pair avec ce qui a été réalisé
en mathématiques, en science, etc., en y agglomérant les
conséquences technologiques qui en découlent, telle fut
l'une des visées principales de Korzybski dont le point de
départ fut Manhood of Humanity [Maturité de l'humanité]
en 1921.
"Il semble hors de doute que certains types primitifs d'évaluation
subsistent encore dans les orientations de la plupart des gens
de cultures occidentales actuelles (et peut-être également
d'autres cultures au sujet desquelles je ne me sens pas
compétente), ces types d'évaluation comportant des dichotomies
et des prémisses antagonistes telles que 'science versus
religion', etc. (23).
"Je me rends bien compte que certains trouvent à redire aux
conclusions de Lévy-Bruhl, Boas et d'autres. Pour autant
que je sache, Korzybski sentait que ceux-ci apportaient
des arguments précieux pour l'analyse de ces problèmes qui sont
encore restés des problèmes et continueront d'être analysés
avec différentes interprétations et différentes terminologies. - C.S."
Voir également Science and Sanity, p. 429: "L'auteur fut
agréablement surpris de découvrir qu'à la suite de la formulation
de son système , cette théorie non-el
[non-élémentaliste] englobe la théorie des types mathématiques
et la généralise"(21). C.S.